James Bond, ce crétin subversif
Pondu le 27 décembre 2011
Aujourd’hui nous allons parler des films d’espionnage, avec en vedette ce coquin de James Bond. Non pas que ce soit le seul, mais c’est certainement le plus emblématique.
Intéressons-nous d’abord au héros du genre (avec sa sous-catégorie de la Femme Fatale), que nous mettrons ensuite en concurrence avec son alter-ego le Vilain-Grand-Méchant.
Le héros, un type héroïque.
S’il est quelque chose qu’on ne peut nier avec le héros, c’est qu’il a une belle gueule charismatique. Du genre à faire se retourner toutes les nanas et les gays dans un cocktail mondain. Enfin non, pas les gays : le héros est un hétérosexuel compulsif, et toute chose tendant à démontrer que le héros pourrait apprécier les Dieux du Stade doit être écartée. Si homme gay il y a dans un film d’espionnage, ce sera soit un méchant, soit un élément comique, soit les deux mais dans tous les cas il sera totalement facultatif au niveau de l’intrigue.
D’ailleurs je parle du héros au masculin, mais dans les rares films où on confie le rôle principal à une gourdasse, c’est la même chose (avec une paire de seins renversante en plus). Le héros est donc beau, avec du sex-appeal, bien fringué, une dentition parfaite et une condition physique qui lui permettrait de battre tous les records olympiques s’il n’était pas constamment occupé à culbuter des donzelles dans les toilettes des ambassades lors de réceptions ennuyeuses.
Car le héros masculin est un bon coup. Ce n’est pas moi qui le dit, mais la brochure printemps 2012 de Espion Magazine :
Avantages pour vous mesdames :
- Procure de multiples orgasmes en peu de temps
- Est capable de prouesses de séduction dont il ne se servira pas car vous aurez déjà succombé à son after-shave.
- Garanti sans panne sexuelle.
- A une haleine fraîche le matin.
- Ne pète jamais au lit.
- Ne regarde pas le foot.
- A de gros moyens financiers.
Inconvénients :
- Se barre au beau milieu de la nuit.
- Est infidèle.
- Ne fait pas les courses ni le ménage.
- Se contrefout de ce que vous pouvez penser ou dire.
On l’aura compris, le héros a une grosse libido et une très faible opinion des femmes.
Le héros ne respecte pas les règlements ni sa hiérarchie. Il est libre le héros, c’est un rebelle ! Et en plus comme personne ne vient le chopper par l’oreille pour lui dire d’arrêter ses conneries et d’aller au coin, il est conforté dans son comportement.
Il est également très con. Non pas qu’il ne soit pas intelligent : le héros sait parler plein de langues, il connaît tout un tas de coutumes et usages dans plein de domaines variés, il sait faire la conversation et donner la patte quand on lui demande. Non, en fait c’est juste qu’il se comporte comme un abruti. Donnez à un héros deux options : l’une qui demande de la patience, de la réflexion mais qui sera efficace et discrète, et l’autre qui lui permettra de rentrer dans le tas en faisant des explosions, des morts et des dégâts considérables sans attendre. Quelle option notre héros testiculé va-t-il choisir ?1
La seconde évidemment. Et même si par inadvertance il choisit la première, il va à un moment ou à un autre faire foirer son propre plan pour pouvoir tuer tout le monde dans une explosion monumentale. On pourrait penser que le principal ennemi du héros c’est le Vilain-Méchant-Ricaneur, mais en réalité le héros roubignollé n’a besoin de personne pour saboter son travail.
Les collègues du héros :
Ils ne servent qu’à faire diversion, à se faire tuer ou à ce qu’on ne remarque pas trop que finalement le héros arrive à descendre une centaine de types surentraînés en deux heures et demi de film à lui tout seul. Ils ne valent même pas la peine que je leur consacre plus de temps, c’est dire s’ils sont inutiles.
La Femme Fatale :
C’est une femme forcément sublime et bien roulée, élégante et pas vulgaire pour un sou. Très propre sur elle, elle sort souvent avec le Méchant Qui Fait Peur et va changer de partenaire sexuel sur une simple roucoulade du héros, ce qui va bien sûr fortement agacer le Méchant De La Terreur qui n’arrive pas forcément à satisfaire pleinement sa partenaire au lit, vu qu’il a quand même un projet de conquête du monde à organiser, et que non-pas-ce-soir-chérie-j’ai-mal-à-la-tête.
La Femme Fatale est intelligente et stupide à la fois : raffinée et bien élevée, elle saura briller en société. Pour autant elle fait des choix de vie qui confinent à l’acte suicidaire. Et quand les évènements ne lui sont pas fatals (c’est décidément un adjectif qui lui sied comme un gant), elle s’en sort de justesse et avec les cheveux décoiffés. Première bourde : sortir avec un Méchant Fourbe et Sournois ; deuxième erreur : sortir avec le héros qui veut justement éliminer le Méchant Sournoisement Fourbe ; troisième erreur : non contente de faire tout ça, elle le fait de façon ostentatoire : tout le monde va voir qu’elle a joué à touche-pipi dans les toilettes avec le héros pendant le discours d’inauguration d’une entreprise de son méchant de mec, mais elle croit tout de même qu’elle va pouvoir s’en sortir avec un battement de cils et une sourire enjôleur.
Cette insouciance ridicule lui vaut fréquemment d’être tuée par le Méchant Vilain au Cœur Brisé de façon cruelle et douloureuse, mais ça survient après qu’elle ait fait des galipettes avec le héros et elle peut donc mourir sans gêner l’action de celui-ci.
A noter que certaines Femmes Fatales font partie des Méchants Secondaires. On peut au moins leur accorder qu’elles ne jouent pas à la girouette comme leurs collègues pro-héros, et qu’au moins elles restent fidèles. Mais par contre elles meurent à coup sûr, c’est ballot.
A l’inverse, voici les méchants, classés en plusieurs catégories :
Ceux qui n’ont pas de nom :
Sacrifiables à merci, ils sont systématiquement tués par le héros ou par le Grand Vilain Machiavélique. C’est dans cette catégorie qu’on met tous les gens de couleur présents dans ces films : le héros est blanc, le méchant est blanc, et la femme fatale… On s’en fout de la femme fatale, elle n’est là que pour montrer sa plastique de rêve.
Les Méchants Secondaires :
On pourrait les comparer à des Boss de fin de niveaux dans les jeux vidéo : ce sont des méchants intermédiaires qui mourront brutalement. Ce sont souvent eux qui ont le plus affaire au héros tout au long du film, et pourtant ils sont traités comme du petit personnel par le Vilain Méchant en Chef. Inutile de dire que nos méchants secondaires reportent toute la frustration de leur situation sur le héros ou à défaut sur la femme fatale du héros.
Ils ont souvent une difformité physique, ça renforce leur côté ouh-là-là-qu’il-fait-peur-celui-là. Et quand ils n’en ont pas, c’est le héros qui leur en crée une (balafre, bisou sur la joue, bras en moins, etc.). Ce sont des personnes qui ont une personnalité très fragile et qui craquent facilement. Ça leur vaut souvent une mort brutale et rapide.
Le Méchant Principal Plus Méchant que Les Autres :
C’est mon préféré, je ne vous le cache pas. Le Méchant a une élégance et un charisme certain, et pourtant il fait fade à côté du héros étincelant. Le Méchant est un type qui a réussi dans la vie : il est riche, il a une Rollex, des superbes villas, une femme magnifique… Ah non tiens, il vient de se la faire piquer par le héros. Mais à part ça il a tout pour être heureux. Tout ? Noooon, car il lui en faut plus !
C’est pourquoi le Méchant Diabolique et Vil a un plan. Un plan qu’il a mis des années à préparer, le but de sa vie, le couronnement de sa carrière, un plan qui lui vaudra d’être en couverture de Vilain Magazine comme étant le Méchant du Siècle ! Patiemment, il a rassemblé ses forces, mis en place ses pions, posé discrètement les bases de ce qui va lui permettre d’obtenir plus de pouvoir, plus d’argent, et d’obtenir enfin une reconnaissance de son talent par son papa qui le traite tout le temps d’incompétent.
Inutile de vous dire que le Méchant Monstrueusement Maléfique est d’une rare intelligence. Il est raffiné, cultivé, audacieux, visionnaire, méticuleux, il connaît ses tables de multiplication, il ne fonce pas tête baissée dans les ennuis, il réfléchit avant d’agir et il n’oublie jamais de sortir les poubelles la veille du jour de ramassage des ordures. Par contre il a un complexe d’infériorité, il se sent rejeté, il veut l’admiration de ses petits camarades et il tolère très mal l’échec. Si jamais il rate son exercice de maths, il peut bouder pendant une journée entière.
Mais alors pourquoi donc le Méchant Qui est Malin et Cruel perd-il à la fin ? Il devrait pourtant mettre la misère au héros crétin !
Et bien mes petits, ça s’appelle tirer le niveau vers le bas : dans une classe d’école, quand un élève est perturbateur et médiocre il a tendance à entraîner tous les autres enfants avec lui dans ses bêtises, abaissant à lui tout seul le niveau de la classe. C’est pareil pour le Méchant Qui Fait Peur aux Bébés : en présence du héros, il va vouloir tuer tout le monde et faire pan-pan boum-boum au lieu de réfléchir cinq minutes et mettre calmement un bon coup de pied dans les bourses hypertrophiées du héros pour lui apprendre à piquer la nana des autres.
Voilà la conséquence : le Méchant Vilain de la Peur s’éparpille dans tous les sens en essayant de singer le comportement stupide du héros pour lui mettre une raclée, et du coup il foire le plan de sa vie. Bon, il a quand même la satisfaction de buter son ex la plupart du temps, c’est toujours ça de pris. Et à la fin cet odieux personnage meurt, et jamais de façon élégante. De toute façon vous aurez compris qu’à partir du moment où on fait partie de toute autre catégorie que le héros, on meurt.
Mais alors, que peut-on retenir du film d’espionnage à la James Bond ? Premièrement, c’est une ode à la stupidité. Deuxièmement, les femmes adultères et frivoles y jouent un meilleur rôle que celles qui restent fidèles à leur chéri. Troisièmement, les gens qui présentent un handicap ou une difformité sont moqués et présentés comme méchants. Quatrièmement, on y célèbre l’arrivisme face au besogneux entrepreneur : le pique-assiette gagne face à celui qui a trimé toute sa vie et qui allait enfin réussir à s’épanouir. Cinquièmement, on met en valeur ceux qui ne respectent pas les règlements et qui n’en font qu’à leur tête.
L’air de rien, on tente de vous conditionner à désobéir aux règles et aux mœurs en vigueur dans notre société actuelle lorsqu’on vous montre tout ça.
Ces films sont la quintessence du film subversif. Et en plus y a des jolies filles dedans.
Indice : pan-pan boum-boum. ↩