Il se trouve que je suis informaticien de métier. Un vrai de vrai, avec des lunettes, mal rasé, geek, amateur de jeux vidéo. Et comme j’aime les clichés, j’assume totalement d’en être un.
Jusque là rien de fantastique, on connait tous un gars qui dit qu’il bosse dans l’informatique. Et on s’empresse de lui demander de réparer de vieux ordinateurs qui n’aspirent qu’à un repos éternel et poussiéreux, ou plus récemment des tablettes et smartphones bas de gamme qui étaient déjà dépassées dès leur achat.
Nous avons tous un jour entendu de la part d’un organisme ou d’un magasin la merveilleuse excuse : « Ah là là là là oui, nous n’avons pas pu traiter votre demande, nous avons un problème informatique. »
Ce qui sous-entend que sans informatique, les gens sont incapables de travailler. Les informaticiens devraient donc être payés plus chers que des traders sous cocaïne. Tout comme un nombre faramineux de professions qui ont été mises en valeur pendant le confinement d’ailleurs.
Mais contrairement à ces braves gens qui ont reçu plus ou moins de remerciements ou applaudissements, les informaticiens ne méritent pas tant que ça une paie faramineuse. Enfin moi si, mais ce que je veux dire c’est que nous ne sommes en réalité pas si indispensables puisque l’informatique en temps normal, ça fonctionne très bien. En fait, tant qu’un humain n’y met pas les pattes, le seul risque c’est la panne matérielle.
Les principaux cas où l’informatique plante sont :
Une mise à jour (des logiciels ou des matériels)
Une fausse manip de quelqu’un sur un logiciel (j’ai rippé chef !)
Un bug parce que le logiciel a mal été testé (le contrôle qualité est très performant pour vous ennuyer, mais nettement moins fiable pour améliorer vos conditions de travail)
Une panne matérielle bloquante, mais dans les moyennes et grosses structures le système est fait pour ne pas crasher lorsqu’un seul matériel plante, les équipements sont doublés pour qu’en cas de panne de l’un d’entre eux, un autre prenne le relais immédiatement.
Lorsque les gens cherchent une bonne excuse pour justifier un retard qui ne passerait pas super bien auprès de leur interlocuteur qui vient leur demander des comptes.
On pourrait donc penser au vu de cette liste (qui n’est pas exhaustive, il y a probablement d’autres cas de plantage) que l’excuse n’intervient que dans 20% des cas. Je vous le dis avec tout mon professionnalisme et sans même invoquer ma mauvaise foi légendaire, c’est une erreur.
Parce qu’un bon informaticien est un informaticien feignant. Il va travailler plus pour en faire moins derrière et ne va donc pas risquer de foutre en l’air sa soirée ou son weekend avec une mise à jour hasardeuse ou un bug de dernière minute2. Et si le développeur est assez malin, il aura inclus des garde-fous pour éviter les fausses manips sur son logiciel3. Bref, les cas de plantage réels ne sont pas si fréquents4.
J’ai donc consulté l’IDMSP, un très sérieux organisme de conseil et de statistique pourtant très peu connu du grand public, qui m’a répondu qu’en réalité quand on annonce au client qu’il y a un problème informatique, c’est une fausse excuse à hauteur de 76%. C’est énorme. Cette étude réalisée à l’échelle internationale par l’Institut du Doigt Mouillé et de la Statistique Pifométrique aurait du secouer les fondations de la relation client et poser les nouvelles bases d’une économie fondée sur le respect d’autrui5.
Sauf que le COVID est passé par là. Et que je ne dirai pas la COVID, parce que c’est un sujet trop sérieux pour qu’on le conjugue au féminin et que la place des femmes sur ce blog est la plupart du temps anecdotique et cantonnée à de l’illustration en tenue légère6. D’ailleurs la preuve :
Mais revenons au COVID. Vous l’aurez vous-même constaté, les organismes auxquels vous avez affaire au quotidien se lâchent carrément ces temps-ci : pour expliquer leurs retards, leurs augmentations de tarifs et les possibles désagréments qu’ils nous font subir, ils mettent tout sur le dos du COVID.
Et vous avez remarqué ? Il y a beaucoup moins de pannes informatiques chez nos interlocuteurs qu’avant l’arrivée de ce virus. Je crois même que le COVID commence à être une excuse pour masquer des plantages informatiques, c’est dire le potentiel excusatoire de ce virus7.
Je pourrais donc vous faire une conclusion étoffée mais je peux pas, j’ai COVID.
Ou de l’année, vu le rythme de publication sur ce blog. ↩
Et c’est pourquoi il existe une règle d’or qui dit : « On ne touche pas à la prod le vendredi ». On y touche en semaine, on y touche le weekend si on a programmé une grosse intervention, mais pas le vendredi. Jamais. ↩
Il y aurait gros à dire sur le fait que ce n’est pas tant le cas que ça, mais on n’est pas là pour pinailler. ↩
Vous aurez noté que je suis parti du postulat que mes confrères étaient tous doués et compétents. Mais s’il y a bien une profession remplie de charlatans, c’est la mienne. Mais si on commence à vouloir inclure le taux de compétence des gens dans cette histoire, on va vite dépasser le taux d’incompréhension moyen de mes rares lecteurs, qui n’est pas beaucoup moins élevé que le mien. ↩
On est bien d’accord que c’est un vœu pieux, les gens étant aussi pénibles en tant que clients qu’en tant que fournisseurs. ↩
Et si on m’en fait le reproche, je répondrai avec véhémence qu’on ne peut plus rien dire maintenant, et qu’on est en train de construire une société de mimolettes, et que comme je suis grand, mâle et blanc, je suis une majorité opprimée qui n’a droit à rien. ↩
Oui je sais, le COVID-19 c’est la maladie qui est déclenchée par le virus et non pas le virus en lui-même. Mais vu qu’aucun autre organisme ne déclenche cette maladie, je trouve idiot d’avoir séparé le virus de la maladie auprès du grand public. ↩
Vous noterez que le titre de cette note est affirmatif. J’aurais pu placer un titre sous forme de question pour laisser penser qu’il y allait avoir un débat, du pour ou du contre, etc. Mais non, j’affirme bien haut (je fais 1m88, ce qui me permet de dominer la plupart de mes interlocuteurs1) que la courgette est une arnaque.
Je présume que comme moi vous entendez depuis que vous êtes petit(e) :
« Mange des courgettes, c’est des légumes, c’est bon pour la santé, et puis regarde je les ai fait revenir avec des herbes, elles sont très bonnes ! »
Arrêtons-nous un instant sur la phrase précédente que toutes les mamans ont dit à tous leurs enfants (si vous ne l’avez pas entendue, c’est probablement que vous n’écoutiez pas) :
La dernière partie de l’intervention sous-entend que les courgettes c’est très bon gustativement. Or quiconque a déjà mangé des courgettes toutes seules validera le fait que non vraiment, la courgette n’a aucun intérêt. Du coup si votre maman vous ment sur un point, qu’est-ce qui vous dit qu’elle ne ment pas sur le reste ?
Vous allez me dire que je suis de mauvaise foi, vu que votre maman a bien précisé qu’elle les avait fait revenir avec des herbes (aromatiques, on est pas des vaches) et que du coup l’ensemble doit forcément avoir un meilleur goût que de l’eau salée. Ce à quoi je vous réponds d’une part que je n’ai jamais très bien saisi le concept de la mauvaise foi donc que je ne l’utilise pas, et d’autre part que dans ce cas autant mettre ces herbes sur quelque chose d’autre, comme un bon steak.
Tenez, je suis même prêt à faire une concession : ces herbes, mettez-les dans une ratatouille. Il y a de la courgette dedans, mais comme il y a aussi d’autres légumes qui ont le bon goût d’avoir du goût, on gâche déjà moins la nourriture.
Revenons à votre maman : elle commence par le lieu commun comme quoi les légumes sont bons pour la santé. C’est pas faux, comme dirait Perceval. Mais si vous ne mangez que des légumes (dans lesquels on n’inclue pas les féculents – patates, pâtes, riz, pain…), vous n’irez pas très loin. Et pour cause, l’énergie qui vous est nécessaire pour vous lever le matin et affronter une dure journée de labeur vous est fournie par les féculents.
Diantre, mais du coup les légumes ça sert à quoi ?
Et bien ça apporte notamment des fibres qui aident à digérer. Ça nous fait une belle jambe, d’autant que les poules se servent de cailloux pour ça. Donc si vous n’aimez pas les légumes et que vous vous sentez l’âme d’un poulet, passez aux cailloux. D’un calibre pas trop gros hein, il va bien falloir les évacuer à un moment donné…
Tant qu’à cuisiner, autant faire des trucs qui donnent envie…
Mais alors pourquoi tente-t-on de gaver enfants et conjoints récalcitrants avec un aliment qui n’a pas plus d’intérêt nutritif que gustatif ?
La réponse, tous les jardiniers du dimanche la connaissent : mettez un plant de courgettes dans votre potager, il vous spammera littéralement de courgettes une fois l’été venu. A tel point qu’en général, les gens qui ont un potager se retrouvent à demander tous les week-end à leurs proches s’ils ne veulent pas des courgettes du jardin, élevées dans le bio (cette saloperie n’a de toute façon pas besoin d’engrais ni de pesticides) et l’angoisse la plus totale. Car outre le fait d’avoir un rendement scandaleux, le pied de courgette s’étale dans toutes les directions et finit par étouffer toutes vos plantations autour. Évidemment si vous vivez en milieu urbain avec pour seul jardin votre petit balcon, vous resterez insensible à ce problème, vil(e) citadin(e) que vous êtes.
Mais imaginez que si un petit jardinier amateur peut cultiver autant de courgettes, le rendement d’une culture industrialisée de courgettes suffirait à nourrir toute la population terrestre pour les 10 prochains siècles. Enfin ce serait le cas si la courgette avait un pouvoir nourrissant. Les rares producteurs de courgettes se retrouvent donc avec des légumes en quantité, qu’ils sont obligés d’écouler à très très bas prix.
La prochaine fois que votre maman vous fera des courgettes, vous pourrez la traiter de sale radine.
Finalement, de quoi est composée une courgette ?
D’eau, à 95%. En gros les courgettes c’est de la flotte et quelques fibres. Ce qui explique que gustativement, la courgette c’est tout pourri et que sa présence en tant que seul légume dans un repas soit un supplice pour tous les sales gosses que nous sommes au fond.
Et connaissez-vous un animal qui est presque entièrement composé d’eau, qui ne sert à rien et qui a un pouvoir de nuisance surpuissant ?
Oui, les méduses.
La courgette, c’est une méduse alimentaire.
J’habite dans le Berry, un pays où la taille moyenne nécessite le port de talonnettes. ↩
Il se trouve que dans mon entourage féminin, notamment celui qui se trouve la nuit dans le même lit que moi, c’est la mode des Box. GlossyBox, LittleBox, BirchBox (ce qui veut dire la Box du boulot – l’arbre, pas le travail), Big Moustache1, etc.
Le principe pour ceux qui ne connaissent pas, c’est qu’on s’inscrit, on paye, on remplit son profil (avec des infos qui seront probablement revendues à des sociétés tierces, histoire de rentabiliser un peu tout cet afflux de données), et on reçoit chaque mois une petite boîte dans laquelle se battent quelques produits qu’on pourrait aisément prendre pour des échantillons, qui ont été soit disant sélectionnés par rapport à votre profil.
L’étape suivante c’est de recevoir le colis, se dire que c’est trop cool, ouvrir la boîte et être déçu parce que c’est pas vraiment ce qu’on attendait, et qu’il y a la moitié des produits qui ne serviront jamais.
Si je me suis trompé dans la description, une bande de harpies extrémistes se chargera bien de rectifier le tir dans les commentaires.
Pour ma part, je trouve le principe génial commercialement parlant. Ce qui m’ennuie, c’est que du coup ma chère et tendre s’est laissé prendre au piège bêtement.
Afin d’ouvrir les yeux des gens qui jurent que c’est trop bien les box, j’ai donc créé la CacaBox, la Box qui vous vend des trucs tout pourris. et parce que je vais au bout des choses, j’ai même créé un petit site pour la présenter (et j’en suis très fier en plus) :
La Cacabox dans toute sa splendeur. Merci Photoshop.
Oui, j’ai probablement mieux à faire de mon temps. Mais vous avez bien perdu le vôtre à lire ceci, alors vous êtes mal placé pour me faire la morale.
Notez que pour la différence entre le français « Moustache » et l’anglais « Mustache », ils auraient pu tout angliciser, ou rester sur « Grosse Moustache ». ↩
Il se trouve que j’ai toujours des cernes sous les yeux, ce qui ne manque pas de faire dire à ma m’man dès qu’elle me voit : « t’as l’air fatigué, t’es sûr que tu dors bien ? »1.
Il y a deux mois, à l’occasion d’un tour dans un des magasins de la chaîne de produits bien-être, maquillage et produits beauté bien connue Gilbert Caillou, nous sommes tombés sur un produit qui devait d’après le descriptif réduire mes cernes de façon visible, m’assurant ainsi succès, gloire et magnificence.
Notez la mention « poches visiblement atténuées », nous en reparlerons plus tard.
Passons sur le fait que le produit était en promo permanente, mais que si comme nous l’avons fait on l’achète avec un bon de réduction celle-ci se fait sur le prix plein pot, ce qui donne un prix plus élevé avec un coupon de réduction qu’avec un achat normal (chose que nous avons réalisé bien après achat, évidemment…).
Passons aussi sur le fait que ce produit ne pénètre pas la peau et que les espèces de billes permettant le massage des cernes sont assez peu agréables à utiliser.
Il y a quelques jours, Albane m’a dit « Ça a l’air de marcher quand même ton truc anti-cernes, on les voit un peu moins depuis quelques semaines ! ».
Je fus obligé de lui avouer l’air un peu piteux que je n’en mettais plus depuis quelques semaines justement, ce qui veut dire soit que ce produit accentue les cernes, soit que le fait que je sois en vacances depuis deux semaines et que je dorme 9 heures par nuit réduit mes cernes, et dans ce cas j’entends déjà ma mère faire :
Ma mère, découvrant qu’elle avait raison et me le signifiant en mode « Je te l’avais bien dit ! »
Ce n’est pas le premier exemple de produit inefficace qui affirme pourtant que ce n’est pas le cas, même si aucun autre exemple ne me vient en tête. Je vous rappelle que je suis en vacances et que donc je ne vais pas me fouler pour chercher d’autres preuves à mes affirmations2. En général, ce sont des produits de beauté, des vins ou des poneys shetland. J’en déduis donc la chose suivante :
Lorsque le packaging d’un produit vante son efficacité ou sa qualité, celle-ci est inversement proportionnelle à ce que dit l’étiquette.
Lecteur hétérosexuel mâle, qu’est-ce qui vous attire chez cette jeune femme : sa licence en physique ou ses formes ?
Je ne connais pas trop le monde des produits de beauté, mais je suppose qu’il doit y avoir un budget fixe pour le lancement d’un produit, qui est partagé ensuite entre la R&D (recherche et développement, qui détermine le contenu du produit) et le packaging commercial (qui détermine la forme du produit). Comme ce sont les commerciaux qui dirigent le tout, ils se servent en premier. Lorsque vient le moment de développer le produit, ils n’ont plus un rond et ils sont bien embêtés. Ils prennent donc la décision courageuse de passer outre la phase de R&D, de mettre dans le super packaging un mélange d’eau et de lubrifiant à préservatifs et d’apposer sur l’étiquette ce que le produit est censé faire.
Ces gens-là savent que l’esprit est supérieur à la matière (chose qu’on leur a inculqué avec un vocabulaire choisi : « Les gens sont des cons, ils sont prêts à croire n’importe quoi et ils vont marcher à fond. »), ils forcent ainsi l’auto-suggestion des acheteurs, ce qui permettra à l’action supposée de se produire effectivement. Du moins sur les gens pour lesquels l’esprit est effectivement supérieur à la matière (ce qui exclue notamment les participants aux émissions de télé-réalité et certains sportifs).
Vous allez me dire qu’un certain nombre de gens vont se rendre compte de la supercherie, et vous aurez parfaitement raison. Mais ce certain nombre de gens n’entrant pas dans la cible marketing du produit, ils représentent un faible pourcentage des acheteurs qui sera qualifié de négligeable par l’Association Française des Publicitaires Négligents, dont les membres négligent à peu près tout, à commencer par les risques liés à l’absorption de stupéfiants en quantité stupéfiante.
Note : En réalité, je suis de très mauvaise foi et le réducteur de poches fait parfaitement son office. Quand le packaging mentionne « Poches visiblement atténuées », il s’agit en réalité de celles qui contiennent mon argent. Cette honnêteté commerciale m’arrache presque une larme.
Les services postaux, c’est avant tout une longue histoire de glorieux mérites.
On y pense peu, mais avant l’arrivée de la presse écrite, avant les journaux télévisés, avant Internet, il y avait… que dalle. Les moyens d’information étaient pour le moins peu fiables, lents et pas forcément objectifs.
C’était là qu’intervenaient les services postaux : porter des messages, des colis, des missives en galopant à travers le Royaume, telles étaient les missions des fiers postiers.
Il va de soi qu’en ce temps-là les gens de la poste n’avaient pas de Kangoo ni de vélo. Le seul moyen de déplacement rapide, c’était le canasson. Avouez que ça en jette plus de se déplacer en cheval qu’en vélo, le prestige de ces hommes (car la parité était loin d’être respectée en ce temps-là) était tout autre qu’actuellement.
Créés sous Louis XI, les services postaux servaient à l’origine au Roi pour envoyer des sextos à ses maîtresses. Etant donné qu’il n’y a avait pas que le Roi qui avait des maîtresses, et qu’il pouvait s’avérer bien pratique d’envoyer des messages et des lettres à l’autre bout de la France, on élargit bientôt la mission de la Poste aux autres gens du Royaume.
Le Pony Express : une époque malheureusement révolue.
Au fur et à mesure de leur histoire, les services postaux se sont développés et sont entrés dans la légende. Prenons le Pony Express, cette entreprise postale intimement liée à la conquête de l’ouest nord-américain.
C’était une longue chaîne de relais postaux qui allait d’un bout à l’autre des Etats Unis, pouvant faire passer un message de l’est à l’ouest en 10 jours seulement. Les français et les belges tenterons bien de reproduire ceci dans leurs pays respectifs, mais suite à une malencontreuse traduction un peu trop littérale, les relais postaux seront équipés de poneys. Vous le savez sans doute, mais le poney est un animal hargneux, peu coopératif et assez je-m’en-foutiste.
La conséquence sera que le Poney Rapide (c’était son nom) fera faillite au bout de trois mois sans avoir jamais réussi à livrer un seul courrier d’un bout à l’autre de sa couverture d’intervention. On peut le dire, c’est à partir de ce moment-là que les choses commencèrent à se gâter pour la grande histoire de la poste.
Lorsque le télégraphe1 fit son apparition (entraînant d’ailleurs la fin du Pony Express après deux ans de service seulement), les services postaux s’en emparèrent immédiatement. Jamais à l’abri d’une application détournée de toute technologie, la poste monta un service de réveil à distance.
Le principe était le suivant : on câblait un télégraphe jusque chez vous, vous demandiez à ce qu’on vous réveille à une certaine heure et un employé se chargeait de vous balancer des bips à l’heure prévue. Le récepteur du client était relié à un gramophone pour que le son soit bien audible. Bien évidemment, ce service échoua à trouver une clientèle pour plusieurs raisons :
Le coût était faramineux, sans compter qu’à l’époque on n’enterrait pas les câbles et que les fils visibles dans la rue, c’est moyen en zone dense.
L’employé s’endormait régulièrement, ce qui nuisait quelque peu à l’efficacité du système.
Un simple réveil-matin était bien plus précis et fiable, et coûtait bien moins cher.
Apple n’était pas encore là pour reprendre l’idée et annoncer que c’était une révolution dont vous aviez nécessairement besoin2.
Ce fut ensuite l’arrivée du téléphone, du minitel et d’internet, que les dirigeants de la poste regardèrent avec mépris en disant : « Pfeu, ça ne marchera jamais ». Ils eurent tort dans deux cas sur trois, mais malgré l’apparente haine de la Poste pour tout ce qui ressemble à une avancée technologique, la machinerie interne ne cessait d’évoluer.
Les centres de tri ont toujours été le point névralgique de la Poste. Rediriger le courrier avec un maximum d’efficacité et de rapidité vers les bureaux de poste locaux est un défi permanent.
Les premiers centres de tri étaient bien évidemment manuels, des employés ne voyant quasiment jamais la lumière du jour s’éreintaient les yeux à déchiffrer les adresses écrites sur les lettres et paquets. Le développement de la médecine et des pharmacies, ainsi que de la détestable habitude de leurs praticiens d’écrire comme des cochons fut d’ailleurs responsable des grandes grêves de 1909.
Par la suite, avec l’arrivée de la bureaucratisation galopante en vigueur dans nos administrations depuis la seconde guerre mondiale, on nomma des responsables pour surveiller des groupes d’employés, puis des responsables pour surveiller et encadrer ces surveillants. Le budget n’étant pas extensible, on finit par prendre des postes d’employés pour créer des responsables. Le point culminant fut atteint en 1974, lorsqu’un employé du tri fit grêve au centre de tri postal de Colombes en Île de France. L’acheminement du courrier fut ainsi totalement interrompu pendant 10 jours. Il s’avéra qu’il était le seul employé à faire du tri sur l’ensemble de la France, tous les autres étant responsables de quelque chose. Cet homme anonyme n’avait ainsi pas pris de congés ni eu de jours de repos depuis 3 ans, lorsque son collègue était parti en retraite. Cette histoire n’a jamais été publiquement dénoncée par les syndicats, vu que les délégués syndicaux étaient eux-même des responsables (de la vitre de la porte de service pour le délégué CGT, et de l’ampoule du placard à fournitures pour celui de FO).
C’est alors qu’on mit en place les premières machines automatiques. Qui étaient en réalité des boîtes vides dans lesquelles on mettait des employés de petite taille (l’exiguïté des machines ne permettait pas aux personnes de plus d’1m52 de s’y introduire) qui faisaient ainsi un tri manuel. Mais le ministre des PTT qui visita le premier centre automatisé n’y vit que du feu et augmenta ainsi le budget des PTT de 140%.
Petit apparté sans lien avec le sujet de mon propos3 : le timbre postal fut probablement l’invention qui propulsa les services R&D4 de la Poste au Panthéon des Grands Nuisibles de la Civilisation. Pensez donc, forcer des millions de gens à ingérer de la colle au goût infect pour pouvoir appliquer volontairement une taxe sur sa lettre, c’était tellement aberrant que ça n’aurait jamais dû fonctionner. Et pourtant, l’adage « Plus c’est gros plus ça passe » se vit là encore vérifié.
Une langue parfaitement adaptée au léchage de timbres
La Poste tenta là encore de se faire un peu plus de sous en ouvrant un service spécial de lécheur de timbres. Les membres de ce service étaient rigoureusement sélectionnés pour leur salivation modérée (trop de salive et la lettre était noyée, pas assez et le timbre ne collait pas) et la taille de leur organe qui devait être conséquente (on parle toujours de la langue là, hein) pour les gros timbres. Des rumeurs à ce jour invérifiables font mention d’un laboratoire secret de la Poste qui aurait pratiqué l’eugénisme dans le but de créer des individus parfaits pour remplir les conditions mentionnées ci-dessus.
Ce fut encore un fiasco : les gens étaient peut-être idiots, mais pas à ce point. Le Gouvernement français ordonna aux employés de bureaux de poste de proposer gratuitement ce service de léchage de timbres. C’est à peu près à cette époque qu’on vit arriver les premiers timbres autocollants, mais le Directeur Général jura sur la tête de sa maman que ce n’était qu’une coïncidence.
La grosse majorité de ce que je viens de vous raconter sort directement de mon imagination, cela va de soi. Et là, vous vous dites : « ok c’est bien ton truc, mais où tu veux en venir au juste ? »
Ce qui suit est certifié exact par l’Institut de Vérification des Assertions Véridiques.
J’ai commandé des pièces informatiques sur un site internet, qui me les a expédié via colissimo, le service de transport de colis de la Poste.
Après une attente assez longue, voici ce que je vois sur le suivi de mon colis via Internet :
On fait tout ce qu’on peut pour vous livrer. Ah ah.
Évidemment, il n’y a aucun moyen de contacter qui que ce soit via la page de suivi pour savoir quelle est la partie manquante, et encore moins de pouvoir la renseigner.
Il y a une raison à cela, et vous allez vous en rendre compte sur la photo de l’adresse de destinataire inscrite sur le colis :
Bien évidemment, j’ai modifié les éléments de l’adresse, mais la présentation et le nombre de renseignements sont identiques.
Ce serait plutôt gênant pour la personne qui aurait à répondre à ma demande de me dire quel renseignement manque sur l’adresse de destinataire, étant donné qu’il n’en manque aucun.
La préposée à mon colis est certes très mignonne, mais si elle croit que mon colis se trouve dans son décolleté…
C’est d’ailleurs plus vicieux que ça, puisque la société expéditrice n’ayant pas eu de confirmation de livraison, elle a lancé une demande de localisation, qui est une procédure permettant de savoir où se situe le colis. En réalité, je suppose que cette procédure fonctionne un peu dans le même principe que le « coup de pied au cul » : la personne chargée de traiter mon colis reçoit cette demande de localisation, elle a peur et elle finit par traiter tous les colis qu’elle a en attente jusqu’à ce qu’elle oublie à nouveau que son boulot est d’acheminer des colis vers leur destinataire.
Et j’ai reçu mon colis sans faire aucun changement sur l’adresse de destinataire.
Note : je précise pour contrebalancer l’excédent de mauvaise foi qui parsème mon propos que c’est la deuxième fois que ça m’arrive. Des transporteurs nous livrent chaque semaine du matériel à cette adresse sans que ça pose le moindre problème, sauf avec Colissimo.
On parle ici du télégraphe électrique, puisque le télégraphe optique (les signaux lumineux ou de fumée) existaient déjà depuis longtemps. ↩
Oui c’est un vilain troll, d’autant que sans Apple les smartphones et les tablettes ne seraient pas encore démocratisés, seraient bien plus moches et moins ergonomiques. Ça n’empêche pas de critiquer le côté puant de leur communication. ↩
Je n’avais en réalité aucune obligation de le mentionner étant donné que vous ne connaissez pas encore le sujet de mon propos. ↩
Recherche et Développement. C’est censé être dans toute société qui se respecte un service génial où on joue au savant fou. ↩