idée venue sur le coup – Globalement Inoffensif https://www.inoffensif.net/blog Le superbe, magnifique et intellectuellement puissant blog de Dric Fri, 06 Jan 2023 12:02:08 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.1.1 4170649 Sac à Viande https://www.inoffensif.net/blog/sac-a-viande https://www.inoffensif.net/blog/sac-a-viande#respond Fri, 06 Jan 2023 12:02:06 +0000 https://www.inoffensif.net/blog/?p=1633 Ça faisait maintenant 2 mois que Julie avait été élue mairesse de son village. Comme personne ne s’était présentée face à elle et qu’elle-même y était allée à reculons, elle avait surtout eu l’impression de se porter volontaire pour une corvée.

Mais elle devait bien admettre que ce nouveau boulot lui plaisait. Les habitants de ce petit patelin rural étaient plutôt sympathiques, et ça la changeait agréablement de son précédent boulot de web design dans une agence parisienne.

Julie n’était pas une personne avec de gros besoins d’interactions sociales. L’être à qui elle parlait le plus quand elle était en région parisienne était son vieux chat Rackham, un énorme matou borgne qui avait décidé de squatter son lit un jour où elle avait laissé la fenêtre ouverte. Comment le chat avait pu grimper jusqu’au deuxième étage restait un mystère, mais ils avaient tacitement établis que le chat prêterait une oreille attentive à Julie, et que celle-ci lui fournirait en retour des caresses et des croquettes.

Elle avait passé un weekend dans un gîte proche de ce village et elle était tombée sous le charme de cette campagne vallonnée, très boisée et où le temps ne semblait pas s’écouler aussi vite qu’ailleurs. Elle était revenue plusieurs fois dans la région et avait fini par acheter une petite maison dans cette bourgade, qu’elle avait fait retaper.

Lorsqu’elle avait fait son burn-out, c’est tout naturellement ici qu’elle était venue se ressourcer. Et elle n’en était plus partie. Elle se faisait régulièrement la réflexion que son cas aurait fait un excellent point de départ pour un téléfilm de Noël si elle avait été un plus jeune, avec un paysage enneigé et un beau gosse célibataire attendant le grand amour.

Le village était composé d’une quinzaine de grandes familles, de quelques dizaines de personnes qui habitaient la commune sans y avoir d’attaches et dont Julie faisait maintenant partie, et d’une poignée d’individus marginaux qui ne se mêlaient généralement pas au reste de la population. On trouvait des célibataires, mais aucun qu’on puisse qualifier de beau. Et pour la neige, avec le réchauffement climatique ça faisait bien 10 ans qu’on n’en avait plus vu dans le coin.

L’ancien maire, un moustachu jovial qui avait refusé qu’elle l’appelle autrement que par son surnom Paulo lui avait rapidement proposé de s’investir dans la commune, et c’est ainsi qu’elle était devenue conseillère municipale en charge de la communication, du tourisme, de la jeunesse, des sports et du comité des fêtes. Elle n’avait pas osé refuser et c’est ainsi qu’elle avait pu faire connaissance avec une grande partie des habitants.

Lorsque Paulo avait fait un arrêt cardiaque en plein conseil municipal, il avait laissé un village complètement désemparé. Paulo était maire depuis plus de trente ans et personne n’avait envisagé qu’il puisse en être autrement, et pas aussi brutalement.

Et c’est ainsi qu’après qu’on l’avait poussée à devenir candidate, Julie était devenue mairesse d’une petite commune. Le travail était moins technique qu’elle ne s’y attendait, la com’com (communauté de communes) prenait en charge beaucoup de compétences normalement gérées par les mairies, notamment parce que les élus des communes qui la composait étaient notoirement nonchalants face à la bureaucratie et aux règlements.

Sa principale préoccupation était pour l’instant d’organiser la fête décennale du Sac de Viande. Julie avait d’abord pensé que ça avait un lien avec les sacs de couchage pour randonneur. Mais non, tous les dix ans on jetait un sac empli de vraie viande dans un ravin proche du village pour éloigner les prédateurs, et ce depuis aussi loin que remontaient les archives du village. Et on était très fier ici d’avoir des archives qui remontait au milieu du Moyen-Âge. Cette tradition n’avait jamais été ignorée, pas même pendant les guerres ou les périodes de famine.

Julie avait demandé pourquoi on jetait de la viande alors que ça devait logiquement attirer les prédateurs et pas les faire fuir, mais elle s’était heurtée à des haussements d’épaules et au poids de la tradition.

Ne cliquez pas sur cette image, vous n'êtes pas équipé pour l'escalader.

Lorsqu’elle avait proposé en séance le mois précédent de récupérer les 60 kilos de viande auprès des invendus périmés des bouchers et des supermarchés du coin son adjoint le plus ancien, un gars taciturne du nom d’Antoine, lui avait répondu que la viande devait être fraîche. Il s’était proposé de s’en occuper avec quelques éleveurs du village, comme ils le faisaient dans sa famille depuis des lustres.

Cette cérémonie – puisque c’était ainsi qu’on l’appelait, ce qui donnait un sens un peu mystique à l’affaire – était également l’occasion de faire un grand banquet, dont la particularité était d’avoir un placement qui était décidé par le chef du village. Depuis que ce banquet existait, le placement était une source de querelles qui duraient parfois des années. On mettait au centre du banquet les personnalités les plus importantes du village, et assez logiquement plus on était placé loin du centre, plus on était perçu comme étant un moins-que-rien.

L’ancien maire Paulo excellait dans l’art délicat de ce placement et avait réussi le tour de force de ne froisser quasiment personne lors des trois précédents banquets. Il avait pour cela une botte secrète qui consistait à déterminer des zones allant du centre jusqu’au bord de la salle, zones qu’il attribuait aux grandes familles du village. Il leur laissait ensuite décider elles-mêmes du placement interne de leurs membres. Si quelqu’un n’était pas d’accord, il ne pouvait s’en prendre qu’à sa famille et non à lui. Seuls les quelques individus plus solitaires restaient à placer par ses soins, et il les connaissait suffisamment pour savoir comment les gérer.

Mais Julie n’avait pas cette expertise, et si les habitants étaient plutôt amicaux avec elle, ils n’étaient pas allés jusqu’à lui fournir les astuces qu’utilisait Paulo. Les fréquentes allusions et inquiétudes des villageois à ce sujet montraient en revanche que c’était une affaire à prendre très au sérieux.

Julie trouva la solution lorsqu’elle fut invitée au mariage d’une de ses cousines. Celle-ci lui avoua qu’elle avait fait appel à une Intelligence Artificielle pour dresser le plan de table, et que ça lui avait épargné bien des tracas. La nouvelle mairesse en parla au Conseil Municipal suivant, et le débat fut intense. Les villageois étaient maintenant habitués à l’usage de l’informatique, qui était devenu quasiment indispensable dans ces communes reculées où la plupart des services publics avaient déserté les lieux. Mais se fier à une machine pour le placement du banquet, voilà qui était nouveau.

Certains redoutaient que l’IA soit piratée, mais personne dans le village n’avait les compétences pour le faire, et une IA de dressage de table n’irait certainement pas intéresser des hackers. D’autres avaient en revanche peur que l’IA fasse un placement qui ne satisferait personne, et c’était une inquiétude plus légitime. Julie proposa alors de faire un essai, et si on constatait que le résultat était pire que ce qu’aurait pu faire la mairesse par elle-même, on ne l’utiliserait pas.

Et c’est ainsi que la commune fit l’acquisition d’une IA. On l’alluma, on renseigna le but de l’opération, la commune concernée et l’IA alla chercher elle-même les informations dont elle avait besoin, à savoir les habitants, leur nom, leur âge, leur sexe, leur adresse postale, leurs revenus, leur patrimoine, leur casier judiciaire… La quantité de données personnelles pouvant être analysées par l’IA était démesurée, mais elle était autorisée par l’Union Européenne à fouiller dans les données privées des citoyens européens tant que son but était non discriminatoire, que l’IA était programmée et hébergée en Europe et surtout qu’aucune donnée personnelle non pertinente pour la tâche demandée n’était dévoilée à qui que ce soit.

Cette disposition avait fait hurler les défenseurs de la vie privée, mais les gouvernements des pays de l’UE avaient tenu à ne pas se laisser dépasser dans le domaine des IA décisionnaires par la Chine et les États-Unis, qui n’avaient pas ces restrictions. Et bien que la majorité de la population de l’Union Européenne y soit défavorable, la mesure était passée.

L’IA finit par proposer une nouvelle méthode d’ordonnancement : au lieu du placement habituel par ordre d’importance, elle proposa simplement de faire un classement par âge.

Lorsqu’on annonça la nouvelle, les gens furent d’abord hostiles au changement : on avait toujours classé par importance, il fallait respecter la tradition. Mais Julie qui commençait à bien connaître ses administrés alla d’abord parler aux matriarches et patriarches des grandes familles. Qui furent rapidement convaincus quand Julie sous-entendit que l’IA allait mettre les plus âgés d’un côté, les plus jeunes de l’autre, et qu’au milieu on retrouverait donc les gens dans la force de l’âge, dont faisaient partie ces chefs de familles. Et qu’ils seraient ainsi placés au centre du banquet, comme avant.

Les matriarches et patriarches imposèrent fort naturellement leur point de vue dans leurs familles. Et une fois les familles convaincues, c’était l’essentiel du village qui devenait favorable au placement par âge.

L’IA dressa un plan de table que Julie consulta. Si la plupart des noms lui étaient familiers, elle remarqua que le doyen du village lui était complètement inconnu, un certain Jean MARTI. Lorsqu’elle en parla à un de ses adjoints, celui-ci lui répondit que le nom lui disait quelque chose, mais qu’il était certain que le doyen était le Vieux René qu’on voyait régulièrement faire la sieste assis sur un banc près de l’église.

Elle finit par être franchement intriguée après en avoir parlé à plusieurs autres personnes, qui lui firent tous la même réponse.

Julie demanda alors à l’IA toutes les infos qu’elle avait réuni sur ce M. MARTI, mais celle-ci refusa : c’aurait été une violation de la vie privée d’un citoyen européen, et sa programmation le lui interdisait. L’examen des archives administratives lui prit un temps considérable mais ne lui en apprit pas d’avantage. Cet homme habitait dans la commune sinon l’IA ne l’aurait pas sélectionné, mais l’administration française n’avait presque rien sur lui.

Elle finit par dénicher dans les plans cadastraux une grande parcelle de plusieurs hectares appartenant à un MARTI. Elle était située en bas du ravin d’où allait être jeté le sac de viande du banquet à venir. En regardant mieux sous Google Maps, elle vit qu’en fait le sac serait jeté DANS la propriété de cet homme.

Julie fouilla dans tous les documents dont elle disposait pour le banquet, mais rien n’indiquait que M. MARTI avait donné son accord pour qu’on balance un sac plein de viande chez lui. Pourtant vu que ce banquet avait lieu depuis des siècles, il devait bien exister quelque part la trace d’un document. Est-ce que quelqu’un s’était soucié d’obtenir l’autorisation de cet homme ? Était-il même encore en vie ?

Julie décida de prendre contact avec ce Jean MARTI. Bien évidemment, elle ne trouva aucun numéro de téléphone et dut se résoudre à aller le voir en personne.

La maison semblait hors d’âge mais bien entretenue. C’était une grosse bâtisse en pierre qui aurait fait fantasmer plus d’un agent immobilier. Le chemin qui y menait serpentait dans un petit bois agréable sur 150 mètres environ depuis la route. Tout était calme et respirait la nature. Julie gara sa petite Peugeot dans l’allée et alla frapper à la porte.

Un homme d’une trentaine d’années lui ouvrit la porte. Julie se présenta :

  • Bonjour, je suis la mairesse. Vous pouvez m’appeler Julie, dit-elle en appliquant la recette de son prédécesseur à la mairie. Je souhaite parler à Monsieur Jean MARTI.
  • Et bien c’est moi, répondit l’homme aimablement.
  • Je… Euh… Excusez-moi mais je cherche quelqu’un qui serait le doyen du village. Vous me semblez un peu jeune pour prétendre à ce titre, répondit-elle avec une pointe d’humour.
  • Je suis plus vieux que j’en ai l’air, répondit l’homme en souriant. Voulez-vous entrer, qu’on démêle tout ça ?

Julie suivit M. MARTI, qui la mena dans une grande pièce qui faisait visiblement office de bibliothèque bien garnie, les murs étant occupés par de grandes étagères pleines de livres. Une cheminée occupait un des côtés, et de grands fauteuils trônaient au milieu de la pièce.

  • Wow, c’est superbe. J’adore votre bibliothèque ! Si j’avais la même, je ne quitterais jamais cette pièce !
  • J’avoue que j’y passe un temps considérable, répondit Jean. Je vous en prie, asseyez-vous dans un des fauteuils. Voudriez-vous un café, ou du thé ?
  • Un café s’il vous plait. Oh, ce fauteuil est génial. Il est tellement confortable.
  • Mettez-vous à l’aise, je reviens.

Lorsque son hôte fut sorti, Julie passa en revue le contenu de la bibliothèque. Plein d’ouvrages qui semblaient anciens occupaient les étagères, dans des dizaines de langues mais beaucoup en espagnol. La présence de cet homme et de sa maison dans ce village semblait improbable. Non pas que les habitants soient des rustres, mais comme dans beaucoup de petites communes il était difficile d’avoir une vie culturelle et d’intéresser les gens au théâtre, à la littérature ou même au cinéma d’auteur. Et ce type avait probablement plus de livres dans sa bibliothèque que l’ensemble des autres villageois réunis.

Jean revint avec deux tasses de café au parfum exquis, lui en donna une et s’assit dans le fauteuil en face d’elle.

  • Alors dites-moi, pourquoi voulez-vous parler au doyen du village, et en quoi est-ce lié à moi ? Ce n’est plus le Vieux René le doyen ?
  • Vous savez sans doute que nous préparons le banquet du Sac de Viande. Faites-moi penser à vous parler d’un truc concernant cette cérémonie d’ailleurs. Donc pour organiser le placement des gens du village…
  • … ce qui n’est pas une mince affaire !
  • … en effet ! Pour organiser ce placement, on a fait appel à une IA. Qui a décidé de classer les gens par âge.
  • Une IA… une intelligence artificielle ?
  • Exactement. Et cette IA vous a placé comme si vous étiez le plus ancien habitant de ce village.
  • Voilà qui est curieux. Et comment cette IA a-t-elle déterminé que j’étais le plus âgé ? Peut-elle avoir fait une erreur ?
  • C’est bien là le problème, c’est que je n’ai pas accès aux données que l’IA a utilisé. C’est pour respecter la vie privée des gens, vous voyez ? Du coup, impossible pour moi de savoir si l’IA s’est trompée, s’il y a une erreur administrative dans une base de données qui vous donne 200 ans, ou si vous êtes réellement le doyen. Enfin je vois bien que vous n’êtes pas le doyen, mais je n’avais aucun moyen de le vérifier sans vous voir en vrai.
  • C’est très étrange en effet. L’IA s’est-elle trompée pour un autre habitant ?
  • Pas que je sache, à part vous tout avait l’air correct.
  • C’est donc que je dois être le plus vieux finalement, plaisanta Jean. Et… vous vouliez me dire quelque chose au sujet de la cérémonie ?
  • Oui, tout à fait. J’ai découvert récemment que ce Sac de Viande était jeté dans votre propriété, mais je n’ai trouvé nulle part la trace de votre accord pour ça.
  • Cette tradition est extrêmement ancienne, et s’est toujours déroulée de la même façon. Je n’ai aucune raison de m’y opposer.
  • Il serait peut-être temps d’évoluer justement. Les gens pourraient l’entendre, j’ai bien réussi à modifier cette histoire de placement au banquet. Et puis balancer 60 kilos de viande, fraîche en plus, c’est un gaspillage énorme.
  • C’est pour éloigner les prédateurs du village, on ne peut pas balancer des carottes.
  • Il y a des siècles peut-être, mais maintenant ?! Il n’y a plus de loups dans la région depuis le début du XXè siècle, j’ai vérifié. Cette histoire de sac de viande, c’est une coutume au goût douteux.
  • Je sais, mais cette cérémonie a lieu depuis la nuit des temps. C’est vrai que c’est un peu macabre, surtout quand on sait ce que les premiers habitants mettaient dans le sac.
  • Ah bon ? Il y avait quoi dedans ?
  • Des êtres humains. C’était un sacrifice aux prédateurs.
  • Je… Non là vous vous moquez de moi !

Le fauteuil sous Julie ne semblait plus aussi confortable. Elle avait trop chaud.

  • Pas du tout. Il se trouve que je connais très bien l’histoire de ce village, ma famille est installée ici depuis très longtemps.
  • J’ai quand même du mal à vous croire. Si c’est vrai, c’est ignoble. Et comment ils appelaient cette cérémonie avant alors ? Je suppose qu’ils l’ont renommé le Sac de Viande quand ils ont arrêté d’offrir des humains.
  • C’est là où ça devient intéressant : ça s’est toujours appelé ainsi. Mais d’après la légende, ce ne sont pas les villageois qui l’ont nommé de cette façon.
  • Qui a donné ce nom alors ? Demanda-t-elle.
  • Les prédateurs bien sûr !
  • Les prédateurs ? Attendez, comment ça… mais c’était quoi ces prédateurs ? Une secte cannibale ?!

Jean haussa les épaules sans se départir de son léger sourire. Julie commençait à se sentir vraiment mal à l’aise et elle s’agita sur son fauteuil. Soit cette histoire était dingue, soit ce type l’était, soit il se foutait copieusement d’elle.

  • Il est regrettable que Paulo soit mort si brutalement, dit Jean le plus sérieusement du monde. Il n’a pas eu le temps de tout vous dire sur cette cérémonie… Mais vous avez sans doute remarqué que personne dans ce village ne prend ça à la légère, même à notre époque moderne où on ne croit plus aux monstres.

Julie était maintenant convaincue que Jean ne blaguait pas. Les deux possibilités restantes ne lui plaisaient pas beaucoup.

  • Écoutez, je ne vais pas vous déranger plus longtemps, le coupa-t-elle. Merci pour toutes ces infos, vous recevrez très bientôt une invitation pour le banquet.

Julie se leva rapidement, bredouilla un au-revoir peu convaincant et sortit de la grande maison en pierre. Une fois dehors, la sensation de malaise se dissipa aussitôt. Le charme du jardin l’apaisa immédiatement.

  • Ça va pas du tout ma vieille, tu vas péter un plomb à force, dit-elle à voix haute en soupirant.
  • Ne vous inquiétez pas pour le Sac de Viande, fit la voix de Jean derrière elle.

Elle ne l’avait pas entendu arriver. Il était sur le pas de la porte, dans l’ombre du patio.

  • Il n’y a aucun problème à le jeter dans ma propriété, continua-t-il. Je me débarrasserai de la viande, comme lors des cérémonies précédentes.

Julie se retint de lui demander à combien de cérémonies il avait déjà assisté. Elle monta dans sa voiture et repartit vers le village.

La semaine suivante, l’IA lança l’impression des invitations pour tous les habitants de la commune. Julie avait pu mettre à contribution ses compétences en design pour créer le modèle de lettre. Alors qu’elle pensait d’abord tout poster, elle se rendit assez vite compte que la plupart des habitants préféraient venir en personne à la mairie chercher leur invitation. Elle n’eut à poster finalement qu’une vingtaine de lettres sur l’ensemble des villageois, dont celle de Jean MARTI.

Les journées suivantes s’enchaînèrent assez rapidement pour Julie. Le banquet serait dans moins de trois jours, mais elle avait bien d’autres choses à gérer. Une querelle de voisinage, des bêtes enfuies d’un enclos et qui s’étaient retrouvées sur la voix de chemin de fer, une adolescente qui avait fugué, le toit de l’atelier municipal qui avait des fuites…

Le jour venu, le village entier se rassembla dans le pré au dessus du ravin. Julie fit un court discours sur l’importance des traditions et salua la mémoire de l’ancien maire Paulo, puis elle passa la parole à Antoine, son adjoint qui avait bien voulu présider la cérémonie.

Celui-ci demanda solennellement qu’on amène le Sac de Viande. Dans un silence complet, deux agriculteurs amenèrent un grand sac en toile rempli de viande et le jetèrent dans le vide. Le ravin faisait à peine 10 mètres de haut, aussi on entendit distinctement le sac s’écraser par terre dans un bruit mat.

Certains anciens marmonnèrent une phrase qui échappa à Julie, puis tout le monde se rendit au banquet. L’IA avait vraiment eu une idée de génie en plaçant les gens par âge. Les habitants rassemblés par tranche d’âge et partageant ainsi des préoccupations et envies communes purent passer leur soirée à boire, manger et rire. L’ambiance du banquet contrastait singulièrement avec celle de la cérémonie du sac.

Julie passa de table en table, buvant plus que de raison, parlant beaucoup et ne mangeant que trop peu. C’est un peu éméchée qu’elle se retrouva à la table des plus âgés. Le vieux René, complètement saoul, était en train de brailler une chanson avec ses camarades de table. La chaise à côté de lui était restée vide.

  • Tiens, vous n’êtes pas assis à la place du doyen ? Lui demanda-t-elle.
  • Qui ? Moi ? J’ai à peine 20 ans ! Répliqua René dans un grand sourire édenté.
  • Vous savez, je n’ai pas pu savoir si l’IA… oui pardon, le programme informatique s’est planté en décrétant que vous n’étiez pas le plus vieux, ou si ce Jean MARTI qui est censé être le plus vieil habitant du village existe vraiment. Un vieux Jean MARTI, je veux dire.
  • Voilà un mystère qu’on ne résoudra pas ce soir, beugla le vieux René. Ça fait plus de bouffe pour nous, c’est tout ! Et avec toute la viande qu’il y avait dans le sac, on s’ra pas les seuls à faire un festin cette nuit ! Vous z’aurez qu’à revenir demain, vous verrez que tout a disparu là-bas !
  • Vraiment ? Vous êtes déjà resté pour voir quel genre d’animal récupérait toute cette viande ?
  • La cérémonie a toujours lieu pendant une nouvelle lune, on n’y voit jamais rien ! Et puis c’est bien connu, faut pas déranger un prédateur quand il mange.
  • Mais quel prédateur ? Insista Julie. Il y a encore des loups, ou des ours par ici ?
  • Pour bouffer 60 kilos de viande aussi vite, ça doit pas être un chihuahua, ricana un des anciens. Je tiens pas à me retrouver face à cette bestiole !
  • Faut pas y aller en pleine nuit, renchérit René. C’est un coup à vous faire bouffer vous aussi ! Et les prédateurs auront eu deux sacs à viande pour le prix d’un !

Julie prit congé des anciens et sortit prendre l’air. La salle où avait lieu le banquet n’était pas très loin du ravin. Peut-être que… Non. Oh et puis si, il fallait qu’elle en ait le cœur net. Elle alla prendre sa lampe torche dans sa voiture, une lampe puissante qu’elle avait acheté en déménageant ici au cas où elle tombe en panne au milieu de la forêt en pleine nuit. Puis elle se dirigea vers le pré où avait eu lieu la cérémonie.

Lorsqu’elle se pencha au dessus du ravin, éclairant le terrain en dessous, elle vit le sac ouvert. Deux pieds en sortaient. Des pieds fins et dont les ongles d’orteils étaient vernis d’une couleur sombre.

Puis deux yeux apparurent dans la lumière de la lampe avant de se lever vers elle. La bouche sous ces yeux se mit à sourire. Un sourire immense, monstrueux. Trop de dents, trop longues, trop pointues…

Le vieux René avait raison, tout le monde allait manger à sa faim ce soir.


Le quotidien régional du coin fit un article sur la réussite de la fête du Sac à Viande, une coutume locale qui revenait tous les dix ans, et un autre sur la tenue prochaine d’élections municipales anticipées dans cette même commune.

D’après l’article, les candidats à la mairie ne se bousculaient pas.

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Peut-on avoir trop de décorations de Noël ? https://www.inoffensif.net/blog/peut-on-avoir-trop-de-decorations-de-noel https://www.inoffensif.net/blog/peut-on-avoir-trop-de-decorations-de-noel#comments Thu, 12 Dec 2019 13:33:22 +0000 https://www.driczone.net/blog/?p=1556 Commençons par la réponse : Non, bien sûr.

Voilà, inutile de lire le reste, vous avez la réponse à cette question.

Albane prétend que je ne sais pas m’arrêter, et que me laisser seul dans un rayon décorations de Noël est complètement irresponsable. Alors que j’arrête quand je veux.

La preuve, en juillet je n’y pense absolument pas.

J’ai toujours été fasciné par les décorations dans les téléfilms de Noël depuis que je suis adolescent, puisque je ne me souviens pas avoir vu ce genre de programmes télévisuels avant. D’ailleurs dans ce genre de films, ils ont toujours de quoi décorer un grand magasin, mais c’est bien rangé dans leur grenier dans des cartons même pas poussiéreux et ça suffit à peine pour leur maison il est vrai souvent comparable à un petit manoir.

Jamais on ne les verra ranger ces décorations, ni essayer de démêler des guirlandes bien entortillées. Je suppose qu’ils sont l’équivalent des gens qui sont capables de décortiquer des crevettes avec un couteau et une fourchette1.

Si j’aime particulièrement Noël, c’est parce que je suis un garçon optimiste et pas méchant, ce qui me classe régulièrement dans la catégorie trop souvent moquée des Bisounours. Et cette période est la seule où être un Bisounours est socialement acceptable parce que l’esprit de Noël est avant tout un gros mélange de guimauve, de bons sentiments et de petites clochettes qui carillonnent. En plus c’est l’occasion de retrouver un peu de cette naïveté qu’on avait étant enfant, et qu’on ne peut plus se permettre de conserver une fois adulte.

À Noël, chacun a ses traditions. Nous par exemple, on aime regarder des téléfilms de Noël avec des crottes en chocolat plein la bouche, blottis sous des plaids (de Noël bien sûr) alors que le poêle tourne à plein rendement, avec en prime le chat qui prend toute la place sur le canapé et des boissons chaudes. C’est finalement assez classique.

Mais certains en ont d’autres : nombre de grincheux profitent ainsi des périodes de fêtes pour signaler bruyamment (y compris sur les réseaux sociaux) que les fêtes c’est nul et que l’Esprit de Noël c’est à gerber. Et ils vont le signaler ainsi chaque année à cette période, transformant ainsi une critique compréhensible en tradition annuelle liée à Noël.

Autre tradition personnelle : ma ceinture abdominale a tendance à prendre du volume durant cette période sans qu’aucune explication scientifique ne puisse expliquer ce mystère. Pas le moindre petit indice, rien. Incompréhensible.

Noël, c’est aussi une bonne occasion d’aller braver les premiers gros froids hivernaux pour se balader dans les marchés de Noël, boire des trucs étranges comme du vin chaud, manger des gâteaux épicés, passer deux heures dans le froid, ne rien acheter d’autre que des trucs à grignoter sur le moment et finalement faire ses achats sur Amazon comme tout le monde.

Et parlons un peu de la bouffe : on peut manger d’excellents plats, tout en gras et en sucre, boire du bon alcool (avec modération parce qu’on conduit), entamer des débats enflammés sans que ça mène au pugilat puisque le plat suivant arrive et que ça clôt de fait l’épineuse question de qui de l’hippopotame ou de l’éléphant est le plus balèze.

Sans parler des calendriers de l’Avent, qu’on peut décliner à toutes les sauces avec des jouets, des bières, des chocolats, des sex-toys

Bon c’est aussi une grosse fête commerciale, mais acheter des tonnes de cadeaux pour les offrir à ceux qu’on aime est quand même une belle façon d’assouvir ses pulsions de consommateur compulsif.

Ne cliquez pas sur cette image, vous ne pourrez rien mettre dans cette Mère Noël...
Il me fallait une séparation visuelle avant d’entamer ma conclusion, voici donc un joli intermède.

De toute façon vous pouvez toujours lutter, dire que Noël c’est qu’une fête commerciale et que tous ces bons sentiments sont aussi faux que la rumeur comme quoi je perds mes cheveux. Car il est une vérité irréfutable, en ces temps où on ne peut plus faire confiance à personne :

Noël est un virus.

Cette fête s’est incrustée dans le commerce, dans la religion, dans la télévision, dans la vie locale (quelle ville ne propose pas de marché de Noël aujourd’hui ?), dans la gastronomie, dans la longue liste des trucs qui énervent les gens blasés, dans les photos érotiques, dans Netflix, dans votre budget, partout ! Et elle revient chaque année avec plus de régularité qu’une épidémie de grippe ou de gastro. Même pendant la 1ère guerre mondiale, elle fut l’occasion de trêves entre soldats ennemis.

Et ce n’est pas Eva2 qui dira le contraire. Il y a 8 ans elle était comme vous, elle me regardait d’un air méprisant quand je commençais à m’enthousiasmer pour les fêtes à la fin du mois de novembre, elle ne décorait pas sa maison et elle ne faisait même pas de réveillon.

Cette année, elle a commencé à poser ses décorations de Noël AVANT le 1er décembre3


  1. Et je l’ai vu faire en vrai, c’est même à la portée de tout le monde à condition d’avoir un bon professeur et de faire des rappels de temps à autre. Je savais ainsi le faire, mais par manque de pratique, je n’y arrive plus. 

  2. Ma meilleure amie, incapable de se freiner sur les cadeaux de Noël justement parce que ça justifie ses pulsions d’achat. 

  3. Ce qui est carrément une hérésie. Les décorations de Noël ça se pose APRÈS le 1er décembre. On est pas des sauvages non plus. 

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Réunion de rentrée, voilà voilà https://www.inoffensif.net/blog/reunion-de-rentree-voila-voila Tue, 27 Sep 2016 10:09:04 +0000 http://www.driczone.net/blog/?p=1458 Jeudi dernier, j’ai eu la joie de participer contre ma volonté de mon plein gré à la réunion de rentrée des parents de la classe de CE1 du plus grand de mes petits monstres.

Ce gamin se tape de luxe d’avoir deux maîtresses, une pour le début de semaine, une pour la fin. Et comme je le pressentais, double de maîtresses = double de durée de réunion.

Pour l’occasion, nous étions dans la classe de nos chers bambins à 17h tapantes, et

Continue Reading]]> Jeudi dernier, j’ai eu la joie de participer contre ma volonté de mon plein gré à la réunion de rentrée des parents de la classe de CE1 du plus grand de mes petits monstres.

Ce gamin se tape de luxe d’avoir deux maîtresses, une pour le début de semaine, une pour la fin. Et comme je le pressentais, double de maîtresses = double de durée de réunion.

Pour l’occasion, nous étions dans la classe de nos chers bambins à 17h tapantes, et nous pouvions même nous installer à leur place puisque les maîtresses avaient disposé des petits panneaux avec le nom des enfants pour que nous parents puissions dire fièrement à des gamins qui s’en foutent qu’on s’était assis à leur place. Afin de bien marquer le coup, j’avais commencé à graver sur sa table « Dad was here », mais je me suis fait punir par Maîtresse n°1 et j’ai passé le reste de la réunion au coin.

Si je ne devais retenir qu’une seule chose de cette réunion, ce serait le mot « voilà ». Il a bien dû être prononcé par les deux maîtresses une bonne centaine de fois, parfois à l’unisson d’ailleurs.

La modernité ayant pénétré avec fracas dans nos institutions scolaires, toutes les classes sont équipées d’un vidéoprojecteur relié à un PC. L’avantage, c’est qu’aucun gamin ne risque de se prendre une craie lancée habilement entre ses deux yeux (bien que le traditionnel festival inter-écoles de lancer de craie ait toujours lieu chaque année, les élèves punis étant réquisitionnés en tant que cibles). Je présume que c’est comme les coups de règles sur les doigts de nos parents, tout se perd.

Les enseignantes ont donc allumé leur vidéoprojecteur pour nous montrer l’emploi du temps des enfants, nous avons ainsi pu voir qu’une des enseignantes a des pratiques sexuelles très libres grâce aux photos de vacances qu’elle avait récupéré sur l’ordinateur de la classe. Après nous avoir vanté les mérites des donjons sado-maso du bassin d’Arcachon, maîtresse n°1 nous a détaillé les deux premiers jours de la semaine.

 

Ne cliquez pas sur cette hôtesse, vous recevriez un coup de fouet.

L’hôtesse d’accueil du Palais de la Fessée à Arcachon

 

Il existe un cliché récurrent comme quoi les instits sont des feignasses qui passent leur temps en vacances, c’est pourquoi on nous a présenté un planning digne d’un ministre. Pas un ministre de la culture hein (sinon il n’y aurait eu que des petits fours et des cocktails d’inauguration), plutôt un ministre genre budget ou logement, qui fait des réunions pas marrantes dans lesquelles on ne rigole pas.

Un planning barbant donc, et super dense. J’ai bien regardé (en plissant les yeux parce que j’étais tout au fond1), je n’ai pas vu de créneau babyfoot, massage thaïlandais et origami ouzbek. Je me suis ainsi fait punir deux fois consécutives, la première fois pour avoir grossièrement interrompu la maîtresse sans avoir levé le doigt pour lui signaler ce qui me semblait être une anomalie, et la deuxième pour avoir confondu mon planning et celui de mon rejeton. J’ai donc dû copier 30 fois « Je ne dois pas interrompre la maîtresse en rotant bruyamment, ni raconter des âneries. »

Contrairement à ce que nous assènent à longueur de journée les vieux « C’était-mieux-avant », il semblerait que les élèves d’aujourd’hui apprennent les mêmes choses que les élèves d’hier, avec un peu d’anglais en plus. Leur intervenante étant d’un pragmatisme incroyable, elle commence l’année avec les jurons anglophones. C’est à dire toutes les variations à base de « fuck » comme « fuck off », « fuck you », « fucking fuck » et « what the fuck ». Les « motherfuckers », « shit », « sucker » et « bitch » devraient suivre jusqu’à la période de Noël.

Les mathématiques ne sont plus basés sur des nombres de pommes mais sur des valises d’argent transitant vers les paradis fiscaux. Sauf en zones prioritaires où on prend plutôt des voitures volées ou brûlées. Maîtresse n°2 nous a bien dit qu’effectivement c’était un peu discriminatoire, mais qu’il fallait bien adapter l’école aux enjeux modernes et que « cette différence était dictée par le pragmatisme et non par une idéologie de bisounours de merde, qu’il y en avait marre de tous ces culs-bénis bobos bien pensants qui s’offusquent pour un pet de lapin, ces hipsters bohémiens qui se font appeler des social justice warriors qui feraient bien de trouver une vraie occupation au lieu de fumer des joints en profitant du travail des autres ». C’est à peu près à ce moment-là que la maîtresse n°1 a dit que sa collègue avait un rendez-vous et qu’elle allait devoir nous quitter. Après avoir sorti la n°2 de force, la n°1 a donc continué en nous parlant du système de récompense qu’elle a instauré auprès des élèves.

Comme elle précisait que les punitions corporelles étaient interdites, maîtresse n°2 est entrée en trombe par la sortie de secours et s’est lancée dans un discours enflammé où il était question de ces lopettes politiquement correctes de pédiatres et pédopsychologues de merde qui feraient mieux de laisser bosser les gens compétents au lieu de pondre des théories fumeuses sur l’éducation des enfants des autres. J’ai applaudi bien fort, je me suis fait sortir en même temps que maîtresse n°2 par les gros bras de la sécurité.

Ce n’est qu’après cinq minutes que j’ai pu rentrer dans la classe, où je suis directement retourné au coin pour avoir beuglé « I’m back, bitches ! » au moment où je franchissais la porte.

Entre temps Maîtresse n°1 avait exposé son système de récompense, qui tourne globalement autour de la torture psychologique. Comme elle a dit, à un moment il faut bien montrer aux élèves que s’ils franchissent les limites il y a des sanctions. Alors qu’elle consultait ses fiches pour nous montrer un savant diagramme, maîtresse n°2 a fracassé une des fenêtres, a sauté dans la classe et nous a expliqué fort bruyamment que le lobby des psychiatres avait œuvré en sous-main auprès du gouvernement pour faire interdire les punitions corporelles pour une seule raison : les maltraitantes physiques sont plus facilement soignables que les souffrances psychologiques, du coup on force les gens à utiliser la violence psychologique en remplacement de la violence physique2.

La sécurité mit un peu plus de temps à évacuer la maîtresse n°2 cette fois, plusieurs parents commençant à prendre sa défense. Le calme revint surtout lorsqu’il fut rappelé que les gardes de sécurité étaient maintenant armés depuis les attentats. Un des parents qui mit en doute cette affirmation fut promptement tazé, ce qui acheva de convaincre les sceptiques.

Après une courte conclusion à base de « voilà », la maîtresse n°1 passa aux questions des parents.

Disons-le tout net, ce fut une boucherie.

La plupart des parents voulant montrer qu’ils étaient meilleurs parents que les autres, ils hurlèrent comme des gorets qu’on égorge pour se faire entendre et poser des questions allant du hors-sujet au complètement à côté de la plaque.

Maîtresse n°1 ne se laissa pas démonter et fit rappeler Maîtresse n°2. Son regard assez flippant et la bave qu’elle avait aux lèvres fit revenir le volume sonore dans la pièce à un niveau supportable et l’on put échanger courtoisement. Je vous passe le détail des questions, de toute façon ça ne m’intéressait pas.

Finalement j’ai pu m’enfuir vers 23h15, récupérer mes petits gamins qui faisaient cuire un écureuil à la broche autour d’un feu qu’ils avaient réussi à allumer dans la cour de l’école et rentrer dans ma chaumière en évitant les bandits de grand chemin qui sévissent par chez moi.

Voilà.


  1. Il est d’ailleurs assez curieux que l’être humain rétrécisse son champ de vision lorsqu’il a besoin de mieux voir, il doit bien y avoir une raison plus ou moins scientifique que nos chers savants aborderont très probablement dès qu’ils auront fini de trancher définitivement la question de savoir qui est le plus balèze entre l’éléphant et le rhinocéros. 

  2. A ce sujet, l’Association des Pédopsychiatres Francs du Collier a indiqué dans sa brochure à destination des parents et éducateurs que la violence psychologique étant plus compliquée à vérifier que les marques de coup, les parents peuvent s’y adonner avec un minimum de risques. 

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Etude pharmaceutique https://www.inoffensif.net/blog/etude-pharmaceutique https://www.inoffensif.net/blog/etude-pharmaceutique#comments Sat, 27 Sep 2014 10:43:50 +0000 http://www.driczone.net/blog/?p=1392 Vous avez peut-être vu depuis quelques temps que le gouvernement ainsi que certaines chaînes de grande distribution aimeraient que les médicaments achetables sans ordonnance puissent être vendus dans des supermarchés.

Evidemment les pharmacies et les laboratoires pharmaceutiques sont tout à fait contre, vu que ça entraînerait très certainement une concurrence plus forte pour les pharmacies, et que la grande distribution tenterait forcément de négocier les prix d’achat aux labos bien en dessous de leur valeur actuelle.

On voit donc fleurir de part et

Continue Reading]]> Vous avez peut-être vu depuis quelques temps que le gouvernement ainsi que certaines chaînes de grande distribution aimeraient que les médicaments achetables sans ordonnance puissent être vendus dans des supermarchés.

Evidemment les pharmacies et les laboratoires pharmaceutiques sont tout à fait contre, vu que ça entraînerait très certainement une concurrence plus forte pour les pharmacies, et que la grande distribution tenterait forcément de négocier les prix d’achat aux labos bien en dessous de leur valeur actuelle.

On voit donc fleurir de part et d’autre des arguments parfois teintés de mauvaise foi :

Ne cliquez pas sur cet ersatz de médecin, elle a un faux diplôme.

Je n’avais pas d’image suffisamment intéressante de pharmaciennes, mais je présume que vous ne m’en voudrez pas trop.

Les labos et pharmacies clament haut et fort que les supermarchés ne fourniront pas de conseils et qu’il y a donc un risque pour les consommateurs qui pourraient prendre des médicaments inadéquats ou n’importe comment, vu que les gens sont un peu idiots. Ce à quoi les consommateurs et les supermarchés répliquent que de toute façon les pharmacies ne donnent jamais de conseils d’utilisation, et qu’elles vendent les médicaments comme s’il s’agissait de produits qui ont tout d’ordinaires, sauf le prix. Et ils ajoutent que les pharmacies et les labos sentent le caca de poney mais que c’est vrai que les gens sont idiots.

La grande distribution et le gouvernement vocifèrent que les prix se trouveraient grandement diminués grâce à la concurrence, ce qui permettrait aux consommateurs de pouvoir se soigner sans se ruiner, et que comme ça ils couineraient moins quand on augmente les impôts. Ce à quoi les pharmacies et labos répondent que si on prend l’exemple de l’Italie qui a déjà fait ce choix, les prix n’ont pas baissé tant que ça sur la durée. Et que par contre ça va créer du chômage parce que les pharmacies ne pourront pas rivaliser et devront fermer. Et aussi que la grande distribution et le gouvernement ont une odeur de fiente de pigeon, mais que c’est vrai que les gens couinent beaucoup.

Cet argumentaire a entraîné un effet collatéral qui serait amusant si nous, gens de base, n’en étions pas victimes : soucieuses de montrer qu’elles ne sont pas d’une grave mauvaise foi, les pharmacies demandent depuis quelques mois à leurs employés de conseiller lourdement la clientèle, y compris si celle-ci n’a rien demandé. Il existe une norme informelle pour évaluer le niveau de conseil à fournir à la clientèle :

  • Homme de base avec un papier sur lequel on peut voir une liste avec une écriture féminine : niveau modéré de conseil, asséné avec un débit maximal afin de bien faire comprendre au pauvre hère qu’il ne comprendra jamais rien au monde étrange de la médication.
  • Femme seule, sortant visiblement du travail et semblant stressée : niveau élevé de conseil orienté de façon à générer de la peur chez la cliente, ce qui l’amènera à acheter encore plus de trucs à base de plantes.
  • Petite vieille seule ou accompagnée de son mari tout aussi petit et vieux : niveau extrêmement élevé de conseil, délivré avec une puissance sonore importante vu le degré de surdité de la cliente. Laquelle le répétera à son mari qui est encore plus sourd au besoin.
  • Mère entourée d’une tripotée d’enfants au degré de braillardise variable mais néanmoins élevé : niveau de conseil minimum ou inexistant, la cliente étant de toute façon déjà en négatif sur son compte, et ses rejetons étant une source potentiellement non négligeable de dégâts matériels dans l’officine.
  • Personne désirant être conseillée : les pharmacies à l’instar de tous les commerces, obéissent aux lois de Murphy, qui veulent qu’un client aura un niveau de renseignement inversement proportionnel à ce qu’il désire. Niveau de conseil minimum donc.
  • Personne de base voulant acheter du doliprane : niveau de conseil minimum à modéré, mais temps d’attente de toute façon beaucoup trop long vu que toutes les catégories de personnes à niveau de conseil élevé seront présentes dans la file d’attente au moment d’entrer dans la pharmacie.

Le résultat, c’est qu’on passe donc trois fois plus de temps à attendre pour acheter du Doliprane parce que les employés et les pharmaciens mettent un point d’honneur à montrer qu’ils ont une super valeur ajoutée par rapport aux supermarchés Leclerc.

Je demande donc au gouvernement de trancher une fois pour toute ce débat dans un sens ou dans l’autre, qu’on puisse enfin retrouver un délai d’attente dans les pharmacies qui ne se compte pas en dizaines de minutes.


 

Note du panda attentif : Les tests ont été effectués en toute subjectivité dans trois officines situés dans des lieux et villes variées, et des achats avaient déjà été effectués dans deux des officines avant ce triste conflit pharmaceutique.

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Suggestion de présentation https://www.inoffensif.net/blog/suggestion-de-presentation https://www.inoffensif.net/blog/suggestion-de-presentation#comments Mon, 25 Aug 2014 11:36:25 +0000 http://www.driczone.net/blog/?p=1382 Il se trouve que j’ai toujours des cernes sous les yeux, ce qui ne manque pas de faire dire à ma m’man dès qu’elle me voit : « t’as l’air fatigué, t’es sûr que tu dors bien ? »1.

Il y a deux mois, à l’occasion d’un tour dans un des magasins de la chaîne de produits bien-être, maquillage et produits beauté bien connue Gilbert Caillou, nous sommes tombés sur un produit qui devait d’après le descriptif réduire mes cernes de façon visible, m’assurant

Continue Reading]]> Il se trouve que j’ai toujours des cernes sous les yeux, ce qui ne manque pas de faire dire à ma m’man dès qu’elle me voit : « t’as l’air fatigué, t’es sûr que tu dors bien ? »1.

Il y a deux mois, à l’occasion d’un tour dans un des magasins de la chaîne de produits bien-être, maquillage et produits beauté bien connue Gilbert Caillou, nous sommes tombés sur un produit qui devait d’après le descriptif réduire mes cernes de façon visible, m’assurant ainsi succès, gloire et magnificence.

Ne cliquez pas sur cette image, la fille sexy est plus bas dans cette note.

Notez la mention « poches visiblement atténuées », nous en reparlerons plus tard.

Passons sur le fait que le produit était en promo permanente, mais que si comme nous l’avons fait on l’achète avec un bon de réduction celle-ci se fait sur le prix plein pot, ce qui donne un prix plus élevé avec un coupon de réduction qu’avec un achat normal (chose que nous avons réalisé bien après achat, évidemment…).

Passons aussi sur le fait que ce produit ne pénètre pas la peau et que les espèces de billes permettant le massage des cernes sont assez peu agréables à utiliser.

Il y a quelques jours, Albane m’a dit « Ça a l’air de marcher quand même ton truc anti-cernes, on les voit un peu moins depuis quelques semaines ! ».

Je fus obligé de lui avouer l’air un peu piteux que je n’en mettais plus depuis quelques semaines justement, ce qui veut dire soit que ce produit accentue les cernes, soit que le fait que je sois en vacances depuis deux semaines et que je dorme 9 heures par nuit réduit mes cernes, et dans ce cas j’entends déjà ma mère faire :

Ma mère, découvrant qu’elle avait raison et me le signifiant en mode « Je te l’avais bien dit ! »

Ce n’est pas le premier exemple de produit inefficace qui affirme pourtant que ce n’est pas le cas, même si aucun autre exemple ne me vient en tête. Je vous rappelle que je suis en vacances et que donc je ne vais pas me fouler pour chercher d’autres preuves à mes affirmations2. En général, ce sont des produits de beauté, des vins ou des poneys shetland. J’en déduis donc la chose suivante :

Lorsque le packaging d’un produit vante son efficacité ou sa qualité, celle-ci est inversement proportionnelle à ce que dit l’étiquette.

Ne cliquez pas sur cette image, elle ne vous aidera en rien à comprendre la théorie de la relativité.

Lecteur hétérosexuel mâle, qu’est-ce qui vous attire chez cette jeune femme : sa licence en physique ou ses formes ?

Je ne connais pas trop le monde des produits de beauté, mais je suppose qu’il doit y avoir un budget fixe pour le lancement d’un produit, qui est partagé ensuite entre la R&D (recherche et développement, qui détermine le contenu du produit) et le packaging commercial (qui détermine la forme du produit). Comme ce sont les commerciaux qui dirigent le tout, ils se servent en premier. Lorsque vient le moment de développer le produit, ils n’ont plus un rond et ils sont bien embêtés. Ils prennent donc la décision courageuse de passer outre la phase de R&D, de mettre dans le super packaging un mélange d’eau et de lubrifiant à préservatifs et d’apposer sur l’étiquette ce que le produit est censé faire.

Ces gens-là savent que l’esprit est supérieur à la matière (chose qu’on leur a inculqué avec un vocabulaire choisi : « Les gens sont des cons, ils sont prêts à croire n’importe quoi et ils vont marcher à fond. »), ils forcent ainsi l’auto-suggestion des acheteurs, ce qui permettra à l’action supposée de se produire effectivement. Du moins sur les gens pour lesquels l’esprit est effectivement supérieur à la matière (ce qui exclue notamment les participants aux émissions de télé-réalité et certains sportifs).

Vous allez me dire qu’un certain nombre de gens vont se rendre compte de la supercherie, et vous aurez parfaitement raison. Mais ce certain nombre de gens n’entrant pas dans la cible marketing du produit, ils représentent un faible pourcentage des acheteurs qui sera qualifié de négligeable par l’Association Française des Publicitaires Négligents, dont les membres négligent à peu près tout, à commencer par les risques liés à l’absorption de stupéfiants en quantité stupéfiante.

Note : En réalité, je suis de très mauvaise foi et le réducteur de poches fait parfaitement son office. Quand le packaging mentionne « Poches visiblement atténuées », il s’agit en réalité de celles qui contiennent mon argent. Cette honnêteté commerciale m’arrache presque une larme.


  1. A prononcer avec un air soupçonneux. 

  2. Vous pouvez toutefois apporter votre pierre à l’édifice dans les commentaires. 

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T’en tiens une couche, mon fils ! https://www.inoffensif.net/blog/ten-tiens-une-couche-mon-fils https://www.inoffensif.net/blog/ten-tiens-une-couche-mon-fils#comments Wed, 13 Nov 2013 10:59:29 +0000 http://www.driczone.net/blog/?p=1344 Les heureux parents sont tous confrontés à un problème de taille avec leur nouveau(x) rejeton(s), je veux bien sûr parler des couches. Pas les couches lavables, eco-responsables, pas toujours hygiéniques et sans doute pas si économiques, mais les vraies couches qu’on met à la poubelle après usage, en ayant la vision de billets de banques qu’on jette par la fenêtre.

Les gens qui sont concernés par le problème auront remarqué qu’il y a une mention de poids à côté de la

Continue Reading]]> Les heureux parents sont tous confrontés à un problème de taille avec leur nouveau(x) rejeton(s), je veux bien sûr parler des couches. Pas les couches lavables, eco-responsables, pas toujours hygiéniques et sans doute pas si économiques, mais les vraies couches qu’on met à la poubelle après usage, en ayant la vision de billets de banques qu’on jette par la fenêtre.

Les gens qui sont concernés par le problème auront remarqué qu’il y a une mention de poids à côté de la taille des couches :

La mention du poids est entourée en rouge. Ça va, vous suivez toujours ?

Petit apparté : Je profite d’ailleurs de cette illustration pour signaler que si vous ne voyez pas du tout qui est Francis Blanche, voici un extrait des Tontons Flingueurs qui devrait vous montrer le rapport avec cet hideux bébé en illustration de mon illustration : 

http://www.youtube.com/watch?v=NC7VJu8qffk

Où en étais-je ? Ah oui, le poids sur les couches. Je pensais que ce poids était la contenance moyenne de caca que pouvait supporter la couche. Ce qui était quand même génial, vous imaginez une couche qui peut contenir 3 ou 4 kilos de crotte de bébé ?

Évidemment j’avais tort, c’était juste le poids moyen du bébé qu’on peut mettre dans la couche. Ma déception fut grande lorsque j’appris la vérité.

Les couches sont un cas d’école de recherche qualité-prix, non seulement pour les possesseurs de bébés, mais aussi pour les fabricants.

Les industriels sont là pour faire des bénéfices sur la vente de couches, on est bien d’accord. Pour cela, leur marge doit être la plus élevée possible. Mais s’il font des couches pourries, les consommateurs iront voir ailleurs.

Le principe, c’est qu’on commence à sortir une couche de qualité à un prix assez bas (pas trop sinon on pense que c’est du low-cost, mais plus bas quand même que les ténors du milieu). Ensuite, on va rogner peu à peu sur la qualité du produit, tout en annonçant sur les paquets « Nouveau, couche plus efficace ! », tout en changeant le prix et le nombre de couches dans un paquet pour embrouiller tout le monde1

C’est ce qu’a dû faire un fabricant de couches pour une grande enseigne de supermarchés. Leur labo de R&D, qui est situé dans un endroit extrêmement secret, est constitué de scientifiques avec de grosses lunettes et des teints blafards. Ce sont des gens qui pensent avec 5 ans d’avance, qui ont des théories on ne peut plus sérieuses sur qui de l’éléphant ou du rhinocéros est le plus balèze, qui connaissent les secrets de l’infiniment grand comme de l’infiniment petit. Il est aussi fort probable qu’aucun d’entre eux ne sache faire fonctionner un appareil électroménager du quotidien, mais c’est à ça qu’on reconnaît un vrai scientifique.

Ne cliquez pas sur cette image, il n'y aura aucune réaction chimique à la clé.

Une scientifique à grosses lunettes. Bon c’est vrai, elle n’a pas trop le teint blafard.

Bref, ces gens sont plutôt calés dans leur domaine. Ayant constaté que les couches avaient une élasticité limitée, et qu’un bébé avait une capacité à générer de la déjection quasiment illimitée du moment qu’on le nourrissait2, ils en conclurent qu’à un moment donné, la couche allait exploser.

Une nouvelle forme de terrorisme était née ! Imaginez un politicien en pleine campagne de réélection, il prend un bébé pour lui faire un bisou quand tout à coup BOUM, explosion de caca. Inutile de dire que sa réélection est foutue. Ça peut également fonctionner sur le tapis rouge du festival de Cannes, ou dans un métro bondé à l’heure de pointe.

Étant de bons patriotes, ces scientifiques ont donc trouvé une parade fort astucieuse dans le principe : leurs couches ressemblent en tout point à d’autres couches, sauf qu’elles disposent d’une ouverture automatique dans le dos pour laisser passer le trop-plein de contenu afin d’éviter l’explosion.

Je suppose que cette technique a seulement été testée in-vitro, parce que dans la vraie vie je me suis retrouvé avec un gamin qui avait de la crotte plein le dos. Ça a été une belle occasion pour le frère ainé d’apprendre quelques jurons3.


  1. Si vous ne souhaitez pas vous faire avoir, il suffit de calculer le prix à la couche, soit le prix du paquet (plus éventuellement les frais de port) divisé par le nombre de couches. Et vous verrez ainsi que les offres sur eBay ou Amazon sont pour la plupart du caca de panda. 

  2. Certains ingénieurs émirent l’hypothèse qu’en arrêtant de nourrir les bébés, on solutionnait directement le problème à sa source. Même si c’est moralement indéfendable, c’est techniquement bien trouvé. 

  3. Il les connaissait probablement déjà, mais je préfère penser qu’il est encore innocent à 4 ans. 

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Je suis papa (encore) ! https://www.inoffensif.net/blog/je-suis-papa-encore https://www.inoffensif.net/blog/je-suis-papa-encore#comments Thu, 25 Jul 2013 14:24:52 +0000 http://www.driczone.net/blog/?p=1303 Il se trouve que Madame Albane était enceinte ces derniers mois. Je vous passe les détails de la conception, d’autant que je ne suis pas certain d’avoir été présent à ce moment-là (il y avait beaucoup de monde, et je me suis absenté un moment pour manger un morceau).

Je vous passe aussi les détails de la grossesse, vu que ce n’est une partie de plaisir pour personne pendant au moins les deux tiers du temps, et que ce fut finalement une

Continue Reading]]> Il se trouve que Madame Albane était enceinte ces derniers mois. Je vous passe les détails de la conception, d’autant que je ne suis pas certain d’avoir été présent à ce moment-là (il y avait beaucoup de monde, et je me suis absenté un moment pour manger un morceau).

Je vous passe aussi les détails de la grossesse, vu que ce n’est une partie de plaisir pour personne pendant au moins les deux tiers du temps, et que ce fut finalement une grossesse assez classique et bien moins médiatisée que celle du rejeton princier british qui n’a toujours pas de nom à l’heure actuelle.

Ce qui nous amène au lundi 22 juillet 2013, date de fin de la grossesse de Madame. Afin de faire simple et concis, je narrerai les faits de façon chronologique, avec l’exactitude et la véracité dont je fais toujours preuve  :

– 8h moins pas grand chose : alors que je pars au travail, Madame me signale qu’il faudrait peut-être que je ne m’éloigne pas trop de mon téléphone, vu qu’elle a quelques contractions assez fortes. Comme je n’ai aucune idée de ce qu’est une forte contraction, je l’associe dans ma tête à un bobo imaginaire qu’elle invente pour faire son intéressante.

– 9h : Coup de fil de Madame pour me dire qu’elle a une contraction toutes les dix à quinze minutes. Comme elle me dérange en pleine lecture de mes mails et que ceux-ci me proposent un allongement de mon pénis, je n’ai aucun mal à sélectionner la priorité du moment et à lui raccrocher au nez.

– 9h30 : Je me cure le nez. La pêche est bonne.

– 10h30 : après quelques échanges téléphoniques, la situation semble en stand-by. Des contractions régulières, mais pas assez rapprochées pour enclencher le plan « Livraison du Colis par Cachalot Express »1. Comme il est urgent d’attendre, je vais vaquer à mes occupations qui consistent surtout à avoir l’air très occupé dans l’espoir qu’on ne me file pas de travail.

– 10h40 : Malgré mon camouflage de fougère, je suis repéré et doit exécuter une tâche éreintante qui consiste à aller chercher le courrier.

– 11h30 environ : Appel assez angoissé de Madame, les contractions sont tombées à 4 minutes d’intervalle. J’appelle mon chauffeur (qui est une chauffeuse), qui me ramène prestement chez moi.2

– 12h10 : Madame a beau avoir des contractions toutes les 4 minutes, elle trouve quand même le temps de traîner entre chaque. Je lui fais remarquer que si elle continue de glandouiller comme ça, elle n’aura pas droit à la péridurale. Cette remarque la fait curieusement accélérer de façon significative mais quand même pas spectaculaire. Premier-Né, administrativement nommé Raphaël, est embarqué lui aussi vu qu’à 3 ans et demi il ne peut toujours pas se débrouiller seul. Je sens que pour son stage de fabrication de composants de smartphones en Chine l’année prochaine c’est foutu.

– 12h25 : arrivée à l’hôpital de Bourges, qui est une masure insalubre partagée avec une boucherie, des pompes funèbres et un vendeur de kebabs. Ces autres commerces se fourniraient tous à l’hôpital que ça ne m’étonnerait pas. Raphaël est évacué par sa grand-mère qui l’exfiltre par hélicoptère.

– 12h30 : comme les journalistes sont tous à Londres pour l’autre naissance de célébrité, nous n’avons aucun mal à parvenir dans le service des accouchements. Nous entrons, et je me fais virer sous prétexte que j’ai l’air d’un pervers.

– 12h32 : Je reviens affublé d’une fausse moustache. Les soignants, pensant que Freddy Mercury vient visiter leur service me font entrer sans autre formalité. Je suis toutefois obligé d’avoir l’air un peu mort et décomposé pour ne pas éveiller les soupçons (je savais bien que visionner la série Walking Dead me servirait un jour).

– Un peu plus tard : Comme l’anesthésiste est d’une timidité maladive, je suis expulsé de la salle d’accouchement. Mais je ne me plains pas, vu que la salle d’attente est dotée d’une télé.

– Encore un peu plus tard : Les aides-soignantes me ceinturent et me forcent à rentrer dans la salle d’accouchement. L’une d’elles me pète trois doigts dans l’opération et me promet qu’elle me montrera comment elle a fait si je me tiens tranquille. Malgré mes suppliques et mes larmes, la télé reste en salle d’attente.

– 14h40 : Albane étant quelque peu agitée, des soignants viennent la ligoter sur la table d’accouchement après qu’elle ait réussi à sectionner les tendons du poignet de la sage-femme d’un seul coup de dents. Ils finissent par lui filer un shoot d’héroïne parce que ça coûte moins cher que les calmants homologués.

– 14h45 : L’anesthésiste revient un peu affolé, ce n’est pas de l’héroïne qu’ils ont filé à Madame mais du LSD. Ce qui explique qu’elle voit des libellules mauves qui me grignotent le cerveau en discutant des interactions chimiques entre les méduses et les formulaires de demande d’adoption.

– 14h50 : l’aide-soignante arrive enfin à mettre les libellules dehors. Albane en profite pour essayer de me mordre le bras, avec succès.

– 14h59 : Apparemment le bébé est pressé de sortir puisqu’on voit un tentacule qui s’agite frénétiquement. La sage-femme assure qu’on a le temps et que ça s’est passé comme ça pour la naissance de Paul le Poulpe, et que finalement il a fallu attendre une demi-heure.

– 15h03 : On voit la tête. La sage-femme se rend compte qu’en fait on n’a pas super le temps et appelle à l’aide (véridique).

– 15h04 : C’est l’éjection. Le bébé sort d’Albane à la vitesse record de 102km/h (comme une balle de tennis au service, pour vous donner une idée). La détonation est entendue jusqu’à l’extérieur de l’hôpital. La sage-femme fait un plongeon magnifique et réceptionne mini-nous juste à temps pour éviter qu’il ne s’encastre dans le mur.

– 15h05 : Mini-nous enroule ses tentacules autour du visage de la sage-femme et tente de lui manger les yeux. Un infirmier plutôt costaud lui envoie de fortes décharges avec une matraque électrique pour lui faire lâcher prise. La sage-femme fait des bonds bizarres à chaque décharge, ce serait très amusant à voir si Albane n’essayait pas de me broyer les testicules afin d’être certaine que je ne la remette pas enceinte par inadvertance (ce qui n’arrivera pas volontairement, étant donné que nous sommes tous deux très en accord sur le fait que 2 rejetons, c’est pile ce qu’il faut pour assurer la survie de l’espèce sans risquer la surpopulation).

– 15h06 : Dans des circonstances encore indéterminées, un feu se déclare dans la salle d’accouchement. Mini-nous rétracte aussitôt ses tentacules et se roule en boule dans un coin de la pièce. Au moins nous connaissons maintenant un bon moyen de pression s’il n’est pas sage.

– 15h20 : On pèse et on mesure la bête. 3k940, 51cm, 2 testicules, 10 doigts, deux yeux, deux oreilles et toutes ses dents. Oui, il semble que Mini-nous soit né avec l’intégralité de sa dentition déjà en place. Et qu’il ait hérité de la tendance d’Albane à vouloir mordre tout ce qui ressemble à un morceau de viande.

– 15h30 : Nous restons seuls Albane, Mini-nous et moi dans la salle  d’accouchement pendant que les soignants barricadent l’entrée de l’extérieur. Il semble que Gaël (le vrai nom officiel et tout de Mini-nous) dépasse largement les normes d’agressivité tolérées au sein du service, et ils ont décidé de faire appel à l’armée pour gérer ce cas.

– 15h38 : Nous sommes copieusement gazés et je sombre dans l’inconscience (mes parents diraient que je l’étais déjà, mais ils sont médisants).

– 17h : La sage-femme vérifie que tout va bien pour nous trois et signe un avis d’expulsion. Nous sommes raccompagnés fermement à la sortie du service d’accouchement par trois gros balèzes dont un que je suis persuadé avoir vu dans l’émission « Meutriers en Série ».

– 17h10 : On nous emmène à notre cellule. Je suis content de voir qu’au moins le trou d’évacuation des déjections n’est pas bouché, pas comme dans le dernier hôtel où j’ai mis les pieds. Je demande un autographe au tueur en série, qui me dédicace son livre « Je vous tuerai tous » en inscrivant « Pour Dric, je te rendrai bientôt visite. Amicalement, Roger. »

Gaël à l'âge adulte (projection)

Gaël à l’âge adulte (projection)

La suite est plutôt banale avec le traditionnel défilé des personnalités politiques, des félicitations à la chaîne, des photos, du champagne et des filles nues qui se trémoussent. Albane et Gaël pourront rentrer demain (vendredi donc), et si Gaël s’en contrefout puisque lui il peut pioncer, manger et faire caca où qu’il soit, Albane est beaucoup plus impatiente.

Quand à moi, je profite d’avoir le lit pour moi tout seul. Malgré mes demandes répétées, il m’a été interdit d’y amener d’autres personnes.


Note : j’ai un peu romancé cet accouchement, mais l’horodatage est correct ainsi que les principaux évènements. Le personnel a été très très gentil et a fait en sorte que tout se passe bien (même si Gaël est effectivement sorti plus vite que prévu). 

 


  1. Je vais probablement me faire tuer pour ce qualificatif de cétacé, ou au moins souffrir considérablement. Mais ça vaut le coup. 

  2. En vrai on s’en fout mais je fais du covoiturage. Ça sauve la planète, le compte en banque et c’est assez agréable de se faire conduire. Le revers de la médaille c’est qu’on roule parfois sur un chat, mais on ne peut pas tout avoir. 

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La tondeuse fatale https://www.inoffensif.net/blog/la-tondeuse-fatale https://www.inoffensif.net/blog/la-tondeuse-fatale#comments Fri, 19 Apr 2013 14:09:51 +0000 http://www.driczone.net/blog/?p=1288 Figurez-vous que mes efforts sont parfois bien mal récompensés. Je ne parle pas de mes pitoyables tentatives de drague pour arriver à faire des cabrioles avec Madame1, mais de choses plus générales et un peu moins situées sous la ceinture.

Allô M. Dric ? Vous venez de gagner 10 000 000€. Et vous êtes si beau en plus.

Par exemple, je prie régulièrement le dieu Guacamol de me faire gagner au loto. Croyez-vous que je sois exaucé ? Et bien

Continue Reading]]> Figurez-vous que mes efforts sont parfois bien mal récompensés. Je ne parle pas de mes pitoyables tentatives de drague pour arriver à faire des cabrioles avec Madame1, mais de choses plus générales et un peu moins situées sous la ceinture.

Allô M. Dric ? Vous venez de gagner 10 000 000€. Et vous êtes si beau en plus.

Par exemple, je prie régulièrement le dieu Guacamol de me faire gagner au loto. Croyez-vous que je sois exaucé ? Et bien non, que dalle. Bien sûr, les grincheux diront que j’aurais plus de chances de gagner si je jouais, au lieu d’espérer qu’un huissier frappe à ma porte un jour en m’annonçant que je suis le premier gagnant multi-millionnaire du loto sans même avoir joué. D’ailleurs tant qu’à rêver, je voudrais que ce soit une dame fort charmante dont le décolleté déborde du chemisier.

Il se trouve que j’avais une tondeuse premier prix achetée dans un magasin au nom évoquant un croisement routier. Et qu’étant peu porté sur la mécanique et le nettoyage, je la laissais plus ou moins dans sa crasse. Mais ça tournait plutôt bien, si on excepte que j’ai plié le guidon (renforcé depuis par mon p’pa), que la traction avait sauté, et que les roues avant avaient tendance à se dévisser. En gros, si on excepte qu’elle était pourrie, elle faisait son office.

Mais quand même, j’étais un peu gêné de la laisser dans un tel état d’abandon, surtout qu’elle n’avait pas un boulot facile la pauvre. Un terrain accidenté, fortement pourvu en herbe à vaches2 et autres saletés végétales, et une surface de tonte largement supérieure à ce qui était écrit dans le manuel, elle était clairement surpassée par les évènements.

Gêné donc, et voulant bien faire, j’ai donc passé un après-midi entier à nettoyer cette épave, à vidanger l’huile, à vérifier la bougie, le filtre à air, les rétroviseurs et l’avertisseur sonore homologué. Fier de moi mais un peu sale (cette tondeuse tournait au charbon, et le décrassage de la chaudière a été un peu mouvementé), je fais le plein et démarre avec enthousiasme l’engin.

Rien ne vaut l’exercice sur le terrain, je commence à tondre la pelouse. Et au bout de 10 minutes, cette satanée machine se met à tousser et à dégager une fumée noire, un peu comme un fumeur régulier au bout de 40 ans.

J’arrête donc la tondeuse, je l’insulte copieusement et je tente de comprendre la source du problème. Évidemment, comme je suis un gros nul en mécanique et en tondeuses, je n’ai pas trouvé. Par contre je suis balèze en Internet, et donc j’ai cherché bravement ce qui pouvait causer un tel désarroi à ma tondeuse. Le Grand Internet et son disciple Google me renvoyèrent dans leur grande bonté une possible piste concernant le filtre à air ou un problème de bougie, ainsi qu’une flopée de pubs super bien ciblées « Achetez une super tondeuse », « promo sur les tondeuses », « rasoirs et tondeuses », « moutons à vendre » et « paiement en 1000 fois pour l’achat de cette tondeuse hors de prix ».

Finalement ce n’était pas du tout le filtre à air, mais le ressort qui commande l’admission d’essence qui était tout détendu, et qui du coup provoquait un embargo régulier sur l’essence. Le moteur, ainsi privé de son précieux carburant, toussait comme un ministre du budget à qui on parle de son compte en suisse. J’ai tenté de bricoler un peu le ressort, ce qui a eu pour effet de mettre le moteur en surrégime aléatoire et de faire un boucan d’enfer, mais au moins je pouvais tondre. En réalité, c’est le fait d’avoir nettoyé la tondeuse qui a provoqué le problème, puisqu’auparavant la crasse bloquait plus ou moins le mécanisme. Comme quoi quand on croit bien faire… Bref, je tondais dans la joie et surtout dans la peine, vu que j’en chiait gravement pour pousser tout ça.

Jusqu’à ce que je remarque à la faveur d’un demi-tour en bout de terrain une grosse pièce en plastique noir non loin de moi. Intrigué, j’ai d’abord pensé que les nord-coréens avaient miné mon terrain avant de me rendre compte qu’il s’agissait en fait de la roue avant gauche de ma tondeuse. Diantre, je tondais sur trois roues. Comme je n’allais pas me laisser désarçonner par la perte d’une roue j’ai continué de tondre sur trois roues, histoire de rentabiliser un peu le plein d’essence.

Je tiens à vous dire qu’il parfaitement possible de tondre avec trois roues. Mais c’est quand même assez éloigné du fonctionnement optimal d’une tondeuse, sauf si celle-ci a été conçue pour ça. Ceci m’a décidé à engloutir mon argent investir dans un nouvel engin, parce que je considère que parfois il faut savoir dire stop au ridicule.

Après avoir étudié en long, en large, en travers et en profondeur le décolleté de Madame, j’en ai fait autant mais avec moins d’intérêt avec les tondeuses.

J’ai pris le top :

  • glacière réfrigérée
  • triple lame à quadruple sens rotatif inversé et vertical
  • rotor de queue
  • 240 chevaux sous le capot
  • Effet revitalisant au Q10 extra plus
  • 4 roues motrices
  • Réception satellite/câble/TNT HD
  • 320km/h en pointe
  • Poignée moulée avec mes empreintes de main
  • Ecran LCD de 19 pouces
  • Sèche-cheveux
  • Connexion 4G là où la 4G n’est pas encore déployée, c’est-à-dire partout en France3
  • Jets massants
  • GPS de qualité militaire
  • Toit panoramique
  • Attache pour siège bébé (je vous rappelle que nous en avons un autre en route, et que c’est un être testiculé. Oui, un garçon quoi.)

Cette tondeuse était livrée avec une experte en tonte de pelouse, mais Albane n’a pas jugée bon de la garder.

Comme vous le voyez, je n’ai pas lésiné sur la qualité. J’ai dû dilapider mon héritage pour me l’acheter (P’pa, M’man, les gens qui habitent chez vous depuis que vous êtes parti en vacances sont les nouveaux propriétaires, je vous ai loué une caravane au camping municipal pour quand vous rentrerez, mais faudra me rembourser la caution), mais ça vaut clairement le coup.

Et j’ai bien compté, cette tondeuse a environ quatre roues, ce qui est tout à fait honnête et dans la moyenne des engins de ce genre.

 


  1. Encore que là aussi le taux de réussite ne dépasse pas les 8%, ce qui est assez peu. 

  2. Ça ne se fume pas, mais ça pousse à 40cm de haut sans forcer. 

  3. Si vous êtes rapide, il est assez intéressant de lire le petit texte en bas des pubs télé qui répertorie les 3 ou 4 endroits en France où on peut capter de la 4G. Si vous souhaitez payer un forfait très cher pour ne pas avoir plus de débit que les autres, prenez un forfait 4G. 

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Oh no ! More lemmings https://www.inoffensif.net/blog/oh-no-more-lemmings https://www.inoffensif.net/blog/oh-no-more-lemmings#comments Wed, 16 Jan 2013 11:39:02 +0000 http://www.driczone.net/blog/?p=1270 Il est parfois des situations dans la vie d’un homme (au sens mâle du terme) où il est de bon ton de ne pas paniquer. Parmi celles-ci, on peut compter de façon non exhaustive :

La vue d’un araignée ou d’un petit rongeur (en tant que mâle, vous êtes censés faire face), La lecture d’un énorme écriteau sur lequel est inscrit « Merci de ne pas paniquer », Un entretien d’embauche, Une proposition de débauche12, La découverte d’une des pièces de votre maison/appartement redécorée par votre rejeton/compagne/compagnon/employé

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Il est parfois des situations dans la vie d’un homme (au sens mâle du terme) où il est de bon ton de ne pas paniquer. Parmi celles-ci, on peut compter de façon non exhaustive :

  • La vue d’un araignée ou d’un petit rongeur (en tant que mâle, vous êtes censés faire face),
  • La lecture d’un énorme écriteau sur lequel est inscrit « Merci de ne pas paniquer »,
  • Un entretien d’embauche,
  • Une proposition de débauche12,
  • La découverte d’une des pièces de votre maison/appartement redécorée par votre rejeton/compagne/compagnon/employé des impôts de façon totalement hideuse3.

Faire face à une de ces situations impose un certain contrôle de soi. Quelques phrases prononcées par vos interlocuteurs peuvent vous indiquer si votre vilain faciès est en train de trahir vos sentiments réels :

  • « Pourquoi t’es tout blanc d’un seul coup ? »,
  • « Vous avez fait un malaise, ça va mieux ? »,
  • « Si tu écarquilles encore plus les yeux, ils vont tomber de leurs orbites4 »,
  • « Tu pourrais arrêter de faire le clown, je te parle sérieusement ! »,
  • « Vous avez bu avant de venir ? »

Il n’y a malheureusement pas de recette miracle pour masquer votre trouble. N’importe quel petit mentaliste à la noix vous dira que votre façon d’être vous trahira quoi que vous fassiez, donc vous ne pouvez vous en remettre qu’à votre talent naturel pour le mensonge et espérer que votre « pokerface »5 combinée à un interlocuteur peu observateur sera suffisant pour vous tirer d’affaire.

Quoi qu’il en soit, il y aura toujours certaines situations où vous finirez par paniquer. Que ce soit sur le moment, avant ou après, vous aurez une vieille sueur froide, des visions apocalyptiques et le sentiment que le monde vous en veut personnellement.

C’est à peu de choses près ce que nous avons ressenti Albane et moi en apprenant que nous étions les heureuses victimes du « Polichinelle dans le tiroir Surprise ». Alors bien sûr nous sommes contents (on voulait plus d’un rejeton pour payer nos retraites après tout), mais quand c’est pas du tout prévu au budget 2013 (je n’apprendrai à personne qu’un bébé c’est composé pour moitié d’amour et pour moitié de gouffre financier), ça fait un peu peur quand même. Ce qui vaudra à ce futur mini-nous un peu moins d’amour de notre part (je vous apprendrai comment calculer l’amour qu’on peut porter à son enfant dans une prochaine note).

Pour tout dire, ça nous a pris pas moins de deux mois pour nous faire à l’idée (surtout moi pour être honnête). Se remettre aux couches, se relever la nuit pour les biberons, être malade tous les matins pendants trois mois, avoir l’air d’une baleine… Et encore, je ne parle que pour moi.

En attendant, les paris sont engagés : l’ensemble des grands-parents ainsi que Raphaël6 et pas mal de nos amis veulent que ce soit une pisseuse, Albane s’en fout (elle préfèrerait toutefois qu’il/elle ait une apparence humaine), et je voudrais encore un p’tit couillu pour ma part. Selon les changements de lune, la couleur de l’urine du chat et la position du dollar canadien sur le marché des valeurs dévaluées, les pronostics me donnent totalement tort.

La ponte est prévue pour le 1er août, et je n’ai pas trouvé de détournement à faire à partir de la première écho (qui est malheureusement bien moins spectaculaire que la première de Raphaël). J’ai hâte de voir la deuxième pour voir autre chose que des tâches formant une vague silhouette. A moins que je ne sois papa d’un test de Rorschach, mais ça reste peu plausible sur un plan médical.

Mon futur enfant.

Mon futur enfant.

 

Les personnes qui ont immédiatement reconnu le titre de cette note et donc le rapport avec celle-ci sont mes nouveaux héros ou héroïnes pour les prochaines 48 heures.


  1. Encore que là vous pouvez paniquer, surtout si Madame votre compagne (ou Monsieur votre compagnon pour les plus gays d’entre nous) est juste à côté de vous et qu’il/elle n’est pas l’auteur(e) de la proposition. 

  2. J’avais une super illustration à vous proposer avec une légende dont j’étais très fier, mais vous comprendrez plus loin pourquoi je me suis résolu à ne pas l’insérer dans cette note. 

  3. Surtout s’il se trouve que cette personne s’est faite aider de Valérie D., animatrice d’une émission sur le thème « Heureusement que c’est pas chez moi ». 

  4. Ça reste peu probable techniquement parlant, mais c’est toujours sympa à placer dans une conversation. 

  5. Tête de poker en mauvaise traduction littérale, ce qui signifie une expression totalement neutre. Les joueurs de poker ont tout intérêt à l’arborer s’ils ne veulent pas que leurs adversaires se doutent qu’ils ont une très bonne ou très mauvaise main 

  6. alias Premier-Né – une appellation clinquante pour dire qu’il était le premier rejeton sur les lieux. 

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Une histoire de courant https://www.inoffensif.net/blog/une-histoire-de-courant https://www.inoffensif.net/blog/une-histoire-de-courant#comments Wed, 25 Apr 2012 12:41:28 +0000 http://www.driczone.net/blog/?p=1158  Pré-note : Cette note est la plus longue que j’ai jamais faite, quasiment 4600 mots. C’est une fiction évidemment, et pas une très marrante en plus. De ce fait, point de photo de jeune femme courtement vêtue cette fois-ci. Bonne lecture…

Amandine était bien embêtée. Cette jeune brune de 28 ans travaillait à l’accueil clientèle au sein d’ERDF. Le fonctionnement d’ERDF restait un profond mystère pour elle, vu que lors de sa formation aucun responsable ne s’était risqué à lui décrire

Continue Reading]]>  Pré-note : Cette note est la plus longue que j’ai jamais faite, quasiment 4600 mots. C’est une fiction évidemment, et pas une très marrante en plus. De ce fait, point de photo de jeune femme courtement vêtue cette fois-ci. Bonne lecture…

Amandine était bien embêtée. Cette jeune brune de 28 ans travaillait à l’accueil clientèle au sein d’ERDF. Le fonctionnement d’ERDF restait un profond mystère pour elle, vu que lors de sa formation aucun responsable ne s’était risqué à lui décrire le fonctionnement de l’entreprise. Elle avait cru comprendre que c’était un reliquat de l’ancien monopole EDF-GDF, et que du coup lorsqu’il avait été décidé de créer ERDF, on y avait fourré pèle-mêle des trucs d’EDF et de GDF en priant très fort pour que ça ne foire pas.

Amandine venait d’avoir un appel d’un client qui avait fait sa demande de raccordement début octobre 2011, et là on était en avril 2012 et rien n’était terminé. Elle alla voir son responsable, M. Defort, qui était un quinquagénaire mal rasé, peu aimable et pas très beau.

« – Patrick, j’ai un souci avec un client : ils vont emménager à la fin du mois et ils n’ont toujours pas été raccordés.

– Ils ont fait leur demande quand ?

– En octobre de l’année dernière.

– Et ils croient peut-être qu’il suffit de claquer des doigts pour leur amener l’électricité ?!

– 6 mois, ça fait long quand même non ?

– Ah ma petite, tu n’es pas avec nous depuis très longtemps, sans quoi ça ne t’étonnerait pas.

– Mais alors je fais quoi ? »

Patrick Defort soupira, exhalant une haleine alcoolisée alors qu’il n’était que 10h du matin. Une carrière toute entière passée chez EDF puis au sein d’ERDF avait achevé de ruiner cet homme, qui était à 55 ans aussi en forme qu’un vieux bonhomme de 70 ans, avec des artère bouchées, un foie en piteux état, un cœur fragile et des poumons encrassés. Sa femme était partie depuis longtemps, et ses enfants préféraient dire qu’il était mort quand on leur posait une question sur leur père.

Amandine lui expliqua tout le dossier, et elle vit son responsable se ratatiner dans son siège au fur et à mesure qu’elle exposait le cas des clients qui avaient appelé.

« – On va devoir faire appel au Négociateur… », dit-il avec un frisson dans la voix.

Amandine ne savait pas qui était ce Négociateur, et elle préféra s’abstenir de demander pourquoi on avait besoin d’une telle fonction au sein de cette entreprise. Patrick Defort lui demanda de le suivre, et ils se rendirent au 5è via un ascenseur qui semblait ne desservir que cet étage.

L’étage était quasiment vide, à l’exception d’une grande pièce qui était fermée par une lourde porte blindée. Une caméra et un interphone était les seuls autres éléments notables. M. Defort s’approcha de l’interphone :

« – Monsieur, j’ai besoin de vos services. »

Une voix semblant venue de nulle part résonna dans le grand hall vide :

« – Es-tu prêt à payer le prix de ces services ?

– Bien sûr, je connais les règles ».

Patrick Defort transpirait à grosses gouttes à présent, une sueur froide et aigre lui coulait dans le dos. Amandine avait l’impression de se retrouver dans un film tellement l’ambiance était surréaliste.

« – Que veux-tu alors ? « , tonna la voix.

« – Je dois entrer en contact avec un Technicien.

– Mmmm, j’espère que ton offrande sera à la hauteur, ce que tu demandes est très compliqué à obtenir… »

La porte blindée s’ouvrit dans un chuintement, et les deux employés entrèrent dans la pièce. Richement décoré, le bureau dans lequel ils se trouvaient à présent dégageait une aura aussi majestueuse qu’angoissante. Amandine se dit que si le diable venait sur Terre, il choisirait sans doute ce lieu pour recevoir. L’homme qui se tenait derrière le bureau était incroyablement quelconque en regard de son nom et de la splendeur de la pièce. A vrai dire, Amandine aurait été bien incapable de le décrire. Elle avait beau fixer son attention sur lui, elle oubliait à quoi il ressemblait dès qu’elle clignait des yeux.

« – Dis m’en plus », dit l’homme en s’adressant à M. Defort comme si Amandine n’existait pas.

« – D’après le dossier, nous devons contacter un des techniciens de Bourges, dans le Cher, afin qu’il envoie une autorisation d’intervenir sous tension à un de nos sous-traitants. Ça aurait dû être fait depuis longt…

– Ne prononce pas ce genre de jugement ici ! », le coupa l’homme.

« L’influence des Techniciens est telle que je ne puis garantir la confidentialité d’une conversation même dans cette pièce.

– Je vous prie de m’excuser », bafouilla M. defort.

« Pouvez-vous nous mettre en relation avec un de ces Techniciens ?

– Je vais voir ce que je peux faire. »

L’homme étrange prit son téléphone et passa plusieurs appels. Amandine et son responsable attendaient, ne sachant trop quoi faire. La jeune femme voulait poser mille questions à son supérieur, mais celui-ci l’implorait du regard dès qu’elle faisait mine d’ouvrir la bouche. Elle ne savait pas ce qui se tramait ici, mais il était clair que Patrick Defort avait une trouille bleue de l’homme qui téléphonait sans sembler leur prêter la moindre attention.

Au bout de ce qui sembla être une éternité, le Négociateur raccrocha. Il semblait satisfait. Il fit craquer ses doigts, se passa la main dans les cheveux (mais avait-il des cheveux ? Amandine était incapable de s’en rappeler alors qu’elle avait l’homme en face d’elle) et s’adressa à M. Defort :

« – J’ai un créneau avec un des Techniciens, un certain Rodolphe. Dix minutes seulement. Vous devrez faire tout ce qu’il vous dit, même si ça implique une pratique sexuelle répugnante ou le don d’un de vos organes. »

Amandine se retint de rire devant l’absurdité de ce qu’elle entendait. Son supérieur semblait prendre tout ça très au sérieux. En fait, il était tellement livide que l’envie de rire passa d’un coup. La bouche de la jeune femme était sèche et elle déglutit avec peine.

« – Comment ça se passe ensuite ? Nous devons aller le voir à Bourges ? », demanda M. Defort.

– En effet. Vous devriez y aller maintenant d’ailleurs, je doute que le Technicien soit très patient. »

La conseillère et son responsable bredouillèrent un au revoir et allaient sortir lorsque le Négociateur les interrompit :

« – Un instant ! Vous saviez en entrant ici que mon aide ne serait pas gratuite… »

Lorsque son supérieur regarda Amandine, elle comprit ce qu’il avait en tête : c’était elle qui allait servir de compensation pour les services du Négociateur. Incapable de réagir, elle ne bougea même pas lorsque M. Defort lui mit la main sur l’épaule. Le Négociateur sembla enfin s’intéresser à sa présence, et elle faillit crier lorsqu’il planta son regard perçant dans le sien. L’homme eut un petit sourire, puis il s’adressa à Patrick Defort :

« – Non, pas elle… Vous ! »

Patrick Defort regarda Amandine, eut un haussement d’épaules résigné et alla lui ouvrir la porte du bureau.

« – Je suppose que j’ai fait mon temps… C’est peut-être mieux comme ça. Sois prudente ma p’tite, il y a des gens bien pires que le Négociateur dans cette Boîte.

– Mais, Patrick… » commença Amandine.

« – Tire-toi d’ici maintenant. Tu vas devoir continuer seule. »

Il la poussa hors du bureau. Alors qu’elle se retournait, elle eut le temps de voir dans les yeux de son responsable de la frayeur, alors que son visage exprimait juste une immense lassitude. Il claqua la lourde porte et Amandine se retrouva seule dans le grand hall.

Elle reprit l’ascenseur, qui la ramena à son étage.  L’accueil clientèle fonctionnait jour et nuit, et le bruit incessant des conversations téléphoniques ressemblait à une sorte de chuchotement monstrueux. Personne ne fit attention à elle, mais la plupart des gens qui venaient travailler dans ce service ne venaient pas pour nouer des relations humaines. Le travail était mentalement épuisant, peu gratifiant, et la pression des supérieurs était constante.

Apercevant un responsable qui venait de finir d’engueuler un de ses collaborateurs, elle se planta devant lui :

« – Bonjour Monsieur. Désolée de vous déranger, mais M. Defort m’a confié une mission et je ne sais pas à qui m’adresser…

– Defort, ce sac à vin ? Toujours pas mort, ce débris ? »

Amandine pensa que ce serait peut-être le cas dans un avenir proche, mais elle préféra ne pas s’en préoccuper pour l’instant. Elle exposa la situation en prenant bien garde de ne rien révéler quoi que ce soit qui lui sembla étrange. Elle ne savait pas si l’homme qu’elle avait en face d’elle était au courant de ce qui se passait hors de ce service, et elle ne voulait pas passer pour une détraquée. Elle-même ne savait plus trop si ce qu’elle avait vu était vraiment réel. Le responsable eut un soupir agacé :

« – Votre supérieur aurait tout de même pu vous donner la marche à suivre ! Passez donc au service Garage, ils vous prêterons  un véhicule pour vous rendre à… Bourges, c’est ça ?

– Merci Monsieur. »

Amandine tourna les talons. Elle ne savait pas où était le service des chauffeurs, mais elle préférait demander à l’Accueil. Elle entra donc dans l’ascenseur qu’elle prenait cinq jours par semaine depuis maintenant 3 mois et appuya sur le bouton du rez-de-chaussée.

Alors que les portes se fermaient, un homme s’engouffra dans l’ouverture. L’homme eut un sourire qui se voulait amical mais qui semblait plutôt carnassier.

« – J’ai bien failli me faire avoir par les portes ! vous saviez que dans certains bâtiments, les portes ont des lames coupantes ? Si vous essayez de passer lors de la fermeture, vous perdez une jambe !

– Vraiment ? », demanda  Amandine.

« – Non bien sûr, je plaisante. »

Pourtant Amandine se dit que ça serait plutôt plausible en regard de ce qu’elle avait vu au 5è étage. En regardant l’homme plus attentivement, elle remarqua tout à coup qu’il était habillé comme un gangster au temps d’Al Capone. Une caricature de maffieux des années 30, il ne lui manquait que la sulfateuse. L’homme semblait aimable, mais la jeune femme n’était pas à l’aise. Il faut dire que coincée avec un type sorti tout droit d’un film de gangsters dans un ascenseur qui semblait mettre un temps infini à descendre, ça avait de quoi vous inquiéter un minimum.

Lorsque l’ascenseur s’arrêta enfin, la porte s’ouvrit. Amandine sortit rapidement en bredouillant un au revoir, quand l’homme l’interpella :

« – Hé, attendez Mademoiselle ! »

Amandine se retourna et vit que l’homme avait à présent un revolver à la main, qui était dirigé vers elle. Elle releva les yeux vers le visage de l’homme, qui souriait jusqu’aux deux oreilles. Elle eut le temps de remarquer une tache de lumière rouge sur le front de l’homme. Un instant plus tard, la tache s’était transformée en trou béant et la cervelle du gangster retapissait tout l’intérieur de l’ascenseur. L’homme s’écroula sans cesser de sourire.

La jeune femme voulut crier, mais aucun son ne sortit. Elle voulu s’enfuir le plus loin  possible de ce cadavre au sourire démoniaque, mais ses jambes étaient trop faibles. Finalement elle s’évanouit.

Lorsqu’elle reprit ses esprits, une petite femme sans âge était penchée au dessus d’elle. C’était la première personne aujourd’hui qui semblait rassurante. Oui, on se sentait immédiatement en confiance avec elle. Amandine voulut parler, mais la femme l’interrompit :

« – Chht, prenez votre temps. Vous êtes en sécurité à présent. Voilà, respirez calmement…

– Mais, que… qui était cet homme ?

– Ma chère petite, quand on remue la merde il ne faut pas s’étonner d’être éclaboussée !

– Mais je n’ai rien fait qui…

– S’intéresser aux Techniciens n’est jamais sans conséquences. Ces gens-là n’ont aucune limite. Écoutez, je vous propose un marché. Vous restez assise encore un moment et je vous explique ce qui s’est passé. D’accord ? »

Amandine hocha la tête. Elle avait l’impression d’être encore une petite fille, lorsqu’elle allait rendre visite à sa grand’ mère.

« – Vous avez eu affaire au Service Qualité, qui ne sont pas très efficaces dans le domaine qui est censé être le leur, comme vous avez pu le constater. En revanche ils excellent dans la résolution d’incidents. Voilà comment ça fonctionne : les Techniciens, ainsi que les autres services qui font appel à eux font une fiche d’évènement indésirable lorsqu’un problème interne survient. Ensuite un des membres du Service Qualité intervient pour résoudre le problème. En général, ils se contentent d’assassiner la personne qui est à l’origine du souci.

– Mais comment peut-on laisser faire ça ? Un mort, ça se remarque ! », rétorqua Amandine.

« – Ce qui se passe à ERDF reste à ERDF ma petite. Pourquoi croyez-vous que tout est si bien cloisonné ici ? Votre service ayant un  « turnover » important comme on dit, il est isolé du reste de l’Entreprise. Vous êtes passée de l’autre côté du miroir, ma petite « Alice ».

– Mais qui a tué cet homme ? Ne devrait-on pas prévenir…

– La police ? Pourquoi faire ? Quelle importance ? Cet Al Capone de pacotille allait vous tuer. Savourez juste le fait d’être encore en vie !

– Je dois… Mais attendez ! Comment vous savez que je m’intéresse aux Techniciens ?!

– Je suis au courant de beaucoup de choses. Je suppose que c’est ma fonction qui veut ça…

– Quelle fonction ?

– Le ménage ma petite, le ménage. Nous sommes une caste d’intouchables, personne ne fait attention à nous, personne ne nous embête. Mais ça nous permet d’entendre et de voir tout ce qui se passe. Aviez-vous déjà remarqué l’un ou l’une d’entre nous ? »

Amandine réfléchit, mais elle dut bien admettre qu’elle n’avait jamais vu personne faire le ménage, alors même que sa poubelle était vidée plusieurs fois par jour et que les sols étaient impeccables.

« – C’est exactement ce que je vous disais, personne ne fait attention à nous. Mais nous devons notre tranquillité essentiellement au fait que si nous avons des oreilles grandes ouvertes, nous avons surtout des bouches bien fermées. Si nous commencions à parler de ce qui se passe ici, nous ne ferions pas long feu, croyez-moi !

– Et bien, merci de vous être occupée de moi. Je dois me rendre au service Garage pour emprunter un véhicule, vous sauriez m’indiquer le chemin ?

– Je vous déconseille d’aller aux Garages en ce moment. Ils sont assez énervés suite aux restrictions budgétaires dont ils ont fait l’objet en début d’année.

– Ils ne peuvent plus prêter de véhicules ?

– Oh si, ils en ont plein de véhicules ! Simplement personne ne se risque à aller en emprunter. Ces gars-là sont de vrais sauvages !

– A ce point-là ?

– Ma chère, ils adorent deux choses : ils vouent un véritable culte à la mécanique. ils ont élevé un espèce de monolithe fait de pièces de voitures, et ils passent leur temps à l’implorer.

– Et la deuxième chose ?

– La chair humaine. Les Garagistes sont cannibales. »

Amandine resta incrédule. La petite femme semblait très sérieuse, et c’était la personne la plus sensée qu’elle avait croisé aujourd’hui. Devant son air perdu, la femme eut un petit rire amical :

« – Ne vous inquiétez pas, je vais vous prêter un de nos véhicules de service. J’espère que vous n’êtes pas trop sensible aux parfums des produits d’entretien, ça sent assez fort là-dedans pour masquer l’odeur d’un mort !

– Comme celui de l’ascenseur ?

– Ne vous en faites pas, nous savons gérer ce genre de situation. Partez maintenant, et bonne chance. Vous en aurez besoin. »

La femme lui tendit un trousseau de clés et lui indiqua où était garé la voiture. Alors qu’Amandine partait, la femme de ménage lui tendit le revolver du gangster des années 30. La jeune femme n’avait jamais touché à une arme de sa vie, mais elle sentait qu’elle serait peut-être amenée à s’en servir. Elle la prit et la planqua dans sa veste. Le poids de l’arme la gênait un peu, mais ça avait un côté rassurant.

Le trajet se fit sans encombres. Amandine n’en revenait pas de ce qu’elle était en train de vivre. Elle n’avait envisagé qu’un bref instant d’aller tout raconter à la police. Qui la croirait ? Elle pensa aussi à tout laisser tomber et à rentrer chez elle, passer un coup de fil à la DRH et démissionner. Mais elle était trop impliquée, ils ne la laisseraient certainement pas filer comme ça. De plus, quelque chose la poussait à finir cette mission. Elle se remémora une expérience qui était passé à la télé, dans laquelle des candidats  soumis à la pression du présentateur d’un jeu fictif  finissaient par torturer une personne à coups de chocs électriques. C’était ce qui était en train de lui arriver, elle ne parvenait plus à prendre du recul.

Elle arriva à Bourges en fin d’après midi. Il faisait gris et anormalement froid en cette période d’avril. Le GPS intégré à l’utilitaire lui indiqua où se situaient les locaux d’ERDF. La présence de l’appareil de guidage était plutôt étrange dans ce vieux véhicule, mais il faisait parfaitement l’affaire d’Amandine.

Elle se gara dans la cour d’ERDF, entourée de bâtiments bas, gris et plutôt vétustes. La jeune femme se dirigea vers ce qui ressemblait le plus à un accueil, mais il était désert. Elle ne disposait que du prénom du Technicien, Rodolphe. S’avançant dans le bâtiment, elle finit par appeler à voix haute. Un silence pesant lui répondit, seulement coupé par les aboiements lointains d’un chien dans le voisinage.

« – Il y a quelqu’un ? Je cherche Rodolphe !  »

Alors qu’Amandine commençait à se dire qu’elle avait fait le trajet pour rien, une voix masculine lui répondit :

« – Par ici, avancez vers le fond ! »

La pièce était encombrée de papiers, de pièces, de câbles. Dans un coin trônait un énorme ordinateur qui semblait dater de la préhistoire de l’informatique. Amandine se dit que l’occupant des lieux devait rarement faire le ménage, vu l’odeur qui régnait dans le bureau. Probablement un rat crevé, ou de la nourriture pourrie. Le propriétaire du bureau était un grand black vêtu d’un bleu de travail. Il n’avait pas l’air particulièrement dangereux, mais Amandine avait appris à se méfier de tout le monde ici.

« – Qu’est-ce que vous voulez ? Comment avez-vous eu mon nom ? », demanda l’homme avec un soupçon d’agressivité dans la voix.

« – Je… je suis venue pour une histoire d’autorisation de travail sous tension. J’ai un client qui attend que vous envoyiez cette autorisation à un de nos sous-traitants afin qu’il puisse finir de câbler jusqu’à son domicile.

– Et pourquoi êtes-vous venue en personne ?

– Et bien… je ne sais pas trop… mon responsable… enfin c’est compliqué.

– Bien. Je vais consulter mes mails, ça fait deux semaines que je ne l’ai pas fait, je suppose que la demande est dedans…

– Deux semaines ?! Mais vous travaillez souvent par mail ?

– Je ne travaille QUE par mails. »

Amandine était scandalisée. Elle avait failli se faire tuer et son responsable avait disparu seulement parce qu’un crétin n’ouvrait pas ses mails :

« – Vous vous foutez de moi ?! Vous avez une vague idée de ce que j’ai dû faire pour arriver jusqu’ici ?

– Hé ho, un ton plus bas ! Vous voulez peut-être le faire à ma place ? « , demanda l’homme avec un étrange sourire.

Ses dents parfaitement blanches contrastaient avec sa peau, lui faisant un sourire éclatant. Amandine remarqua qu’il portait un collier fait avec des pierres étranges, qui ressemblaient à… des dents. Il avait des vaisseaux sanguins éclatés dans ses yeux, lui faisant des yeux un peu rouges.

« – Je… Non, allez-y. », dit-elle.

« – Mademoiselle, je vais devoir insister. Ouvrez donc ma messagerie.

– Mais enfin pourquoi ? Je n’ai même pas votre mot de passe. Et puis c’est votre boulot quand même ! »

Le sourire éclatant s’élargit encore. Il semblait très satisfait de ce qu’Amandine venait de dire.

« – Mademoiselle, cet ordinateur ne demande pas de mot de passe. Il fonctionne avec… autre chose.

– Pardon ? Vous n’avez aucune sécurité sur cet ordi ?

– Oh mais si ! Et bien plus efficace que tous les mots de passe du monde… Cette machine demande un sacrifice lorsqu’on veut l’utiliser.

– Un quoi ? Ça n’a aucun sens !

– Ce truc réclame sa ration de viande ! Vous voulez accéder à vos documents ? il vous prend un doigt ! Vous voulez envoyer un mail, dites adieux à un de vos orteils !

– Mais c’est ridicule, qui pourrait utiliser une telle machine ?!

– Nous n’avons pas le choix. Si j’ai bien compris, il y a eu à un moment une tentative de prise de pouvoir de toute la Maison par les Techniciens. Je n’étais pas encore là quand c’est arrivé, et on ne s’appelait même pas encore ERDF, mais il paraît que ça a été sanglant. La Direction a finit par l’emporter, et les Techniciens ont été… punis. Le PDG a fait installer ces ordinateurs spécialement conçus pour nous en nous disant que lorsqu’on voulait accéder au sommet, il fallait être prêt à faire des sacrifices.

– Mais comment vous faites ? Je veux dire, vous ne pouvez pas vous laisser couper tous les doigts par cet engin !

– Nous avons fini par trouver une parade. La machine accepte n’importe quoi du moment que c’est de la viande. Et que c’est vivant. Nous lui donnons des chats et des chiens, des rats, parfois des oisillons quand nous en attrapons. J’ai vu que vous aviez remarqué mon collier, vous savez d’où viennent ces dents à présent…

– Mais c’est répugnant !

– Vous trouvez plus choquants que nous donnions des animaux à manger à cet ordinateur plutôt qu’une part de nous-même ? Vous devez être du genre à regarder les films d’action dans lequel des tas de gens meurent sans sourciller, mais à ne pas pouvoir supporter qu’on vous montre un animal qui souffre dans 30 millions d’amis… »

Amandine ne répondit pas. Ce type avait raison, elle trouvait plus choquant de voir un animal souffrir qu’un humain. Et à bien y réfléchir, la plupart des gens pensaient comme elle. Rodolphe ne souriait plus à présent. Il continua :

« – Bien sûr, il y a le rite d’initiation…

– Quel rite ?

– Lorsqu’un nouvel employé est intégré au corps des Techniciens, il doit passer l’initiation. Il doit sacrifier un de ses doigts à l’ordinateur.

– Mais c’est horrible ! Et vous l’avez fait ?

– Bien sûr. Refuser l’initiation reviendrait à finir comme un chat ou un chien, si vous voyez ce que je veux dire…

– Mais vos doigts…

– Une prothèse. Nous sommes parfois en contact avec les clients, ils ne doivent rien savoir. Imaginez que quelqu’un remarque qu’aucun des Techs d’ERDF n’a d’auriculaire à la main gauche ? Ce serait une catastrophe !

– Bon… et bien donnez un rat à cet ordinateur, qu’on en finisse ! »

Cette fois le sourire de Rodolphe fut tellement immense qu’on aurait cru qu’il lui coupait le visage en deux.

« – Vous ne m’avez pas compris… Vous vouliez entrer dans notre univers, vous allez y être initiée…

– Quoi ? Mais… Non, jamais ! Je ne me ferai pas couper de doigt par cette monstruosité !

– Pensiez-vous vraiment avoir le choix, mademoiselle ? », demanda une autre voix derrière elle.

Lorsqu’Amandine se retourna, plusieurs Techniciens lui barraient le passage. Elle envisagea un instant de sortir son arme, mais elle ne pourrait tous les tenir à l’écart. Tant pis, elle devait essayer. Elle plongea la main dans sa veste, mais Rodolphe lui attrapa le bras avant qu’elle ne puisse atteindre l’arme de poing. Avec un ricanement, il prit le pistolet et le jeta sur une pile de paperasse.

« – Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas aussi douloureux que ça en a l’air… », lui dit-il en la forçant à introduire son petit doigts gauche dans une ouverture sur le côté de l’ordinateur.

Les autres Techniciens les entouraient, lançant des moqueries et des insultes. Amandine tenta de lutter, essayant de mordre Rodolphe. Celui-ci lui mit une gifle qui la sonna. Elle cessa de se débattre et ferma les yeux, priant pour se réveiller de ce cauchemar.

La sensation de fraicheur au niveau de son doigt fut rapidement remplacée par la douleur. Rouvrant les yeux, elle vit que son auriculaire gauche avait été sectionné au niveau de la deuxième phalange. Un technicien lui enroula un pansement autour de ce qui restait du doigt, et lui fit une piqûre. Alors qu’elle sursautait, il lui lança laconiquement :

« – C’est pour éviter l’infection. Ça évitera de devoir couper la main entière plus tard… ».

Rodolphe s’assit devant l’ordinateur et consulta sa messagerie. Un email du sous-traitant était en effet en attente. Ignorant les nombreux autres messages, il renvoya l’autorisation et se tourna vers la jeune femme :

« – Et voilà ! Satisfaite ? »

Amandine ne répondit pas. Les autres Techniciens s’en allaient, le spectacle était fini. Rodolphe continuait de consulter ses emails, sans plus lui prêter d’attention.

Lorsqu’il releva la tête, il se trouvait du mauvais côté du pistolet. A cette distance, Amandine fut éclaboussée par la cervelle du Technicien lorsqu’elle appuya sur la détente.

N’attendant pas l’arrivée des collègues de Rodolphe, elle fit feu sur une grande fenêtre rendue opaque par la crasse et se jeta dehors. Il faisait presque nuit, mais le parking était éclairé. Elle repéra l’utilitaire de la femme de ménage et se rua à l’intérieur.

En deux heures et demi elle était de retour chez elle, en banlieue parisienne.

Épilogue :

L’homme en costume élégant regarda son interlocutrice. Ils se connaissaient depuis longtemps, ils travaillaient souvent ensemble. La plupart du temps sur des dossiers sensibles dont l’issue était fatale à plusieurs employés.

« – Annie, vous comprenez que nous devions en arriver là. Nous ne les contrôlions plus, il fallait leur envoyer un avertissement. Ça valait bien ces quatre morts.

– Mais pourquoi l’impliquer elle ? Elle ne savait rien, elle ne méritait pas tout ce qui lui est arrivé.

– Il ne fallait pas qu’ils se doutent que nous tirions les ficelles en coulisse. Personne ne pourra jamais la relier à nous.

– A vous peut-être, mais s’ils veulent vraiment savoir ils remonteront jusqu’à moi !

– Vous vous êtes tirée de situations plus épineuses que ça, ma chère Annie.

– Je n’aime pas ce boulot.

– Et pourtant vous le faites tellement bien. Si vous n’aviez pas eu l’idée de  ces ordinateurs en 2004, nous aurions bien plus de soucis avec les Techniciens. Comment ça vous est venu d’ailleurs ?

– Lorsqu’ils ont tenté de prendre ce bâtiment, mon mari était en première ligne. Il l’ont démembré sous les fenêtres du Comité d’Administration pour montrer leur détermination. Jean-Michel n’était pas un saint, loin de là. Mais c’était mon mari et je l’aimais.

– Je comprends. Écoutez, prenez un congé, allez voir vos petits-enfants, changez-vous les idées et revenez-nous en forme !

– Merci Henri, mais je suis lasse de tous ces complots. Je ne pense pas revenir de ces vacances. Et puis cette petite était touchante. Elle n’avait rien à faire là.

– Avez-vous lu la presse locale de ce matin ? On y parle d’une jeune joggueuse retrouvée morte dans un parc. Avec un doigt manquant. L’oeuvre d’un pervers, probablement…

– Si vous voulez parler de celui qui l’a manipulée, c’est indéniable. Au revoir Henri.

– Au revoir Annie. »

La petite femme de ménage sans âge se leva et sortit du bureau. Faire le ménage pouvait recouvrir plusieurs significations, et Annie excellait dans toutes. Toutefois, se débarrasser de cette jeune femme lui avait été pénible. Elle s’était rendue chez elle, avait accepté son invitation à entrer et son café, l’avait écouté raconter son histoire en sanglotant, elle l’avait réconforté et pris dans ses bras. Puis elle l’avait étouffée dans un sac plastique. Dieu merci, on ne lui avait pas demandé de faire croire à un viol.

L’homme en costume élégant nommé Henri regarda Annie sortir du bureau. Il se dit qu’un jour il faudrait régler le cas de cette femme, avant qu’elle ne craque. Mais éliminer une tueuse aussi talentueuse et rusée qu’Annie n’allait pas être une mince affaire. Mais il faudrait le faire pour conserver le secret sur cette entreprise. Après tout il ne faisait que servir la France et les français, en permettant à la fée électricité de s’introduire dans tous les foyers.

Ce n’est pas parce qu’on aime la viande qu’on a envie de connaître la vache à qui elle appartient, dit-on. C’était exactement la même chose avec l’électricité. Moins les gens étaient au courant, mieux on pourrait leur en fournir.

Post-Note : Tout ça pour vous dire qu’on n’a toujours pas d’électricité, à cause d’une autorisation de travailler sous tension qui n’a pas été délivrée au sous-traitant pourtant mandaté par ERDF pour effectuer les travaux. Et derrière il va falloir batailler avec EDF pour avoir un rendez-vous de mise en service rapidement. Oh, j’ai omis de vous dire que nous emménageons samedi 28 avril, dans trois jours…

Post-Post-Note : le hasard fait étrangement les choses, tout vient de se débloquer au moment de mettre en ligne cette note. Nous aurons l’électricité le 2 mai… 

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